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Évaluation quantitative du développement radiculaire après une thérapeutique de régénération endodontique : une revue systématique et une méta-analyse.

Évaluation quantitative du développement radiculaire après une thérapeutique de régénération endodontique : une revue systématique et une méta-analyse.

150 150 SFE Endodontie

Efficacité de l’articaine versus la lidocaine en injection complémentaire intra ligamentaire après échec d’un bloc du nerf alvéolaire inférieur : Une étude randomisée en double aveugle.

QUANTITATIVE ASSESSMENT OF ROOT DEVELOPMENT AFTER REGENERATIVE ENDODONTIC THERAPY : A SYSTEMATIC REVIEW AND META ANALYSIS

 

Le traitement endodontique de la dent permanente immature nécrosée est un défi particulier, puisqu’à l’objectif classique de la diminution de la charge bactérienne intracanalaire permettant à l’hôte de basculer d’un état pathologique à un état de guérison, vient s’ajouter la volonté de promouvoir l’édification radiculaire alors encore incomplète. Bien que considéré par l’AAE comme « un objectif désirable mais non essentiel » cet objectif secondaire n’en demeure pas moins logiquement souhaitable d’un point de vue biomécanique.

L’avènement de la bio-ingénierie tissulaire a permis l’essor des techniques de revascularisation, qui, à contrario des techniques d’apexification traditionnelles, semblent permettre de remplir cet objectif secondaire.

Des revues systématiques de la littérature existent déjà quant à la compilation des données sur les taux de survie et de succès des techniques de revascularisation mais aussi sur la poursuite ou non de l’édification radiculaire.
Néanmoins certaines des études incluent dans ces revues systématiques jugent la poursuite de l’apexification par une estimation visuelle qualitative et donc subjective et non quantitative. De même certaines études ont été exclues si les protocoles différaient, notamment sur la pluralité des pathologies à l’origine de la nécrose dans les critères d’inclusion, amenant à l’éviction d’études demeurant exploitables sur tous les autres points.

La méta-analyse présentée propose donc de répondre à la question des taux de survie, de guérison et de poursuite de l’édification radiculaire jugée de manière quantitative, des thérapeutiques de régénération endodontique avec des critères d’inclusion plus larges.

 

Matériel et méthode :

Une recherche au sein de 6 bases de données médicales a été menée en prenant les mots clés suivants : Endodontie régénératrice, abcès périapical, nécrose pulpaire. Les études incluant des dents temporaires ou matures, non rédigées en anglais, dans lesquelles la pathologie n’est pas une nécrose pulpaire, dont le suivi se fait sur une période inférieure à 1 an, où l’édification radiculaire n’est pas évaluée d’une manière quantitative chiffrée ou dont les paramètres (longueur, épaisseur, fermeture apicale) sont regroupés et non étudiés séparément sont exclues. Finalement alors que la recherche donnait initialement 2608 articles potentiellement utilisables, seuls 11 sont retenus.

La qualité et le niveau de preuve de ces études est ensuite passé au crible à l’aide de 3 outils selon le type d’étude (Newcastle-Ottawa Scale, Cochrane risk of bias et SIGN pour le niveau d’évidence). Les échantillons issus des études retenues ont été additionnés et une analyse statistique a été menée pour pouvoir interpréter les différentes proportions.

 

Résultats :

Sur les 11 études, 3 sont des essais cliniques randomisés, 6 des études de cohorte prospectives, 2 des études de cohorte rétrospectives. Seules les études rétrospectives ont montré un haut niveau d’évidence, les autres études comportant un niveau de biais élevé.
Ainsi l’échantillon total porte sur 289 dents (11études/11) et les périodes de suivi varient de 12 à 93 mois.

Comme souvent dans une revue systématique, les méthodologies au sein des études sont diverses et variées. Pour tenter d’homogénéiser les résultats et de ne sélectionner que des études compatibles les auteurs ont défini la survie comme la présence de la dent sur arcade, que la pathologie péri-apicale soit résolue ou non. Et préfèrent parler de taux de guérison plutôt que de taux de succès (le succès d’une procédure de régénération sur dent immature n’est plus uniquement la résolution de la lésion péri-apicale mais tient compte de l’objectif secondaire de poursuite de l’édification radiculaire).

De même l’accroissement tissulaire pouvant aussi être la résultante d’une mauvaise manipulation lors de la prise du cliché (problème d’angulation) ou d’une mauvaise lecture, un nouveau paramètre a été défini, le « 20% Cut off » (désigné CUT20 par la suite). En d’autres termes de manière arbitraire un accroissement supérieur à 20% est considéré comme réel, non aléatoire, cliniquement pertinent, et non imputable à une variation des paramètres opérateurs dépendant.

L’accroissement tissulaire est volumique et non unidirectionnel, l’étude des paramètres longueur, largeur et fermeture apicale de manière individuelle permet d’éviter que l’évolution d’un seul soit considérée comme une évolution de tous et un franc succès. Néanmoins une fois étudiés de manière individuelle ils peuvent être rassemblés pour donner un paramètre plus pertinent cliniquement, correspondant plus à l’évolution physiologique non uni-orientée. Ils incluent donc le concept de RRA correspondant à la surface totale de la racine et étudient son évolution. Finalement la méta analyse donne les résultats suivants :

Les taux de survie et de guérison sont respectivement de 97,32% et 93% avec un échantillon total de 289 dents, les résultats des autres paramètres sont donnés dans le tableau suivant :

Allongement Épaississement RRA Fermeture apicale Calcification
Proportion de dents présentant une évolution
(Nombre de dents)
77,3%
(258)
80,6%
(210)
87,4%
(68)
79,1%
(190)
28,4%
(213)
Proportion de dent dont l’évolution est supérieure à 20%
(Nombre de dents)
16,1%
(118)
39,8%
(98)
34,9%
(68)
90,7%
(73)
NC

 

 

Discussion :

Le succès de la régénération endodontique ne pouvant se limiter au succès du traitement endodontique classique (résolution d’une lésion péri-apicale) le terme de guérison a été préféré au terme de succès dans cette étude. Les taux de survie et de guérison avoisinent ceux des autres méta-analyses sur le sujet venant conforter l’idée que cette thérapeutique est de ce point de vue-là efficace et prédictible.

Les principales considérations de cette étude qui étaient l’allongement, l’épaississement et la fermeture apicale de la racine ont des résultats plus contrastés.
Ils étaient tout d’abord étudiés de manière séparée pour qu’il n’y ait pas d’interprétation d’un « succès global » de la thérapeutique alors que seul un des paramètres précédents aurait varié (la fermeture apicale est physiologique et se retrouve même dans des cas de régénération ayant raté). Et jugé de manière quantitative, objective.

Les résultats obtenus sont là encore cohérents avec les autres études disponibles et sont bons.

Pour apprécier la poursuite globale de la croissance le RRA est proposé avec toujours de bons résultats.

Néanmoins lors du passage à une évolution cliniquement pertinente avec le CUT20 les résultats chutent drastiquement sauf pour la fermeture apicale.

La cause première à l’origine de la nécrose ayant nécessité la revascularisation est donnée dans plusieurs études, ce qui a permis d’établir que les résultats sont de meilleure qualité et plus constants si la thérapeutique intervient suite à une anomalie structurelle plutôt qu’à la suite d’un trauma. L’une des causes avancées étant la compression des cellules viables et recrutables par la revascularisation, lors du traumatisme.

Un autre paramètre est introduit en cours d’étude : la minéralisation intracanalaire.
Lors d’un coiffage pulpaire classique sur dent vivante on observe la formation d’un pont dentinaire, minéralisation recherchée, signe d’une réaction pulpaire et donc de la présence de cellules fonctionnelles. Étant donné que dans nombre des études sélectionnées au sein de cette méta-analyse le paramètre présence d’une calcification est évalué celui-ci a aussi été ajouté aux paramètres de la méta analyse. Ainsi 28,4% comportaient une minéralisation, soit un taux nettement plus bas que dans les autres études. Les auteurs expliquent la faiblesse de ce résultat par le fait que ce paramètre relève plus de la découverte fortuite que du critère secondaire choisi à priori et par conséquent les paramètres d’acquisition radiologique n’y sont pas adaptés.

 

Pour aller plus loin dans l’analyse :

Les revues systématiques proposent de condenser diverses études portant sur un même sujet de manière à augmenter le nombre de sujets évalués et ainsi gagner en puissance et espérer gagner en significativité. La méta-analyse permet d’harmoniser ces études et de les unifier pour considérer que tous les sujets des différentes études ne sont finalement plus que ceux d’une même unique étude et ainsi pouvoir leur appliquer des tests statistiques et en tirer des conclusions. Le principal souci repose donc dans la sélection des différentes études qui ont souvent des sujets, des méthodologies et des méthodes de mesures différentes. Pour s’adapter à ces variations on réalise des tests d’hétérogénéité. Dans le cas présent un test I² pour évaluer les disparités au sein des protocoles dans le choix des outcomes.

A ce propos il est possible de se placer d’un point de vue fixe (tout est considéré comme identique) ou d’un point de vue aléatoire (dans ce cas on prend en compte les variations dans les protocoles ou dans la prise des clichés opératoires etc). Dans l’étude présente le point de vue choisi est aléatoire ce qui semble plus correct.

On remarque que pour les taux de survie et de guérison les I² sont identiques et égaux à 0, montrant une similarité dans la définition et la méthode de mesure de ces taux pour toutes les études. A contrario pour tous les autres paramètres le I² est plus ou moins élevé, dénotant une disparité dans les méthodes d’acquisition et de traitement de ces données.

Au même titre que dans un essai classique les méta-analyses aussi bénéficient d’une analyse statistique et d’une p-value plaçant le seuil de significativité d’un résultat de manière empirique à 0,05.

Ainsi les valeurs obtenues sur certains résultats (épaississement de plus de 20% et augmentation de plus de 20% de la surface radiculaire totale) ne sont pas significatives et il n’est donc pas possible que l’épaississement observé ne soit pas dû à des variations de mesure, des biais d’échantillonnage ou autre.

A noter que cette non-significativité est retrouvée pour des paramètres peu investigués avec une forte disparité de résultats (Pour l’accroissement de la surface radiculaire de plus de 20% seules 3/11 études proposent des résultats allant de 0 à 100% selon l’étude par exemple).

Ainsi la sélection des études dans la méta-analyse ne permet pas de répondre aux critères secondaires et soit ces critères n’auraient pas dû être ajoutés et considérés, soit une autre étude les plaçant comme critères principaux et amenant une autre sélection aurait dû être menée.

Il est aussi à noter l’apparition d’un critère secondaire en 2e partie d’étude, présenté lors des résultats et donc a posteriori. Rappelons qu’il est important de noter des éléments découverts de manière fortuite au décours d’une analyse, qui semblent d’intérêt et qui peuvent faire l’objet d’études futures. Mais que tous les critères de jugement primaires comme secondaires doivent être définis à priori et que des tests statistiques, une analyse, et une discussion n’auraient pas dû être menés sur la minéralisation intracanalaire. D’autant que de l’aveu des auteurs la méthode de détection pour ce paramètre varie grandement selon les études et n’est pas adaptée dans la plupart, donnant un résultat très éloigné des méta-analyses s’étant intéressé au sujet.

Que retenir :

Les thérapeutiques régénératrices dans le traitement des dents immatures nécrosées sont des thérapeutiques fiables du point de vue de la survie de la dent concernée et de la guérison de la pathologie péri-apicale (97,32% et 93% respectivement). Pour ce qui est du critère secondaire de poursuite de l’édification radiculaire, paramètre qui souvent fait privilégier au praticien cette technique à une technique d’apexification classique, les résultats sont plus mitigés. Les résultats diffèrent selon que l’on s’intéresse individuellement à l’allongement, à l’épaississement ou au rétrécissement apical mais sont tout de même retrouvés dans quasiment 80% des cas. Ce taux chute considérablement lorsque l’on requiert une évolution de plus de 20% d’un de ces critères (valeur arbitraire mais semblant minimale pour avoir une vraie pertinence clinique). Ainsi la régénération endodontique ne peut pas à l’issu de cette méta analyse être considérée pour ce qui est de la poursuite de l’édification radiculaire comme une procédure donnant des résultats reproductibles.

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