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Diagnostic des fractures verticales mésio-distales de racines de dents présentant des tenons métalliques : influence de l’application de filtres sur des images de cone-beam à différentes résolutions.

Diagnostic des fractures verticales mésio-distales de racines de dents présentant des tenons métalliques : influence de l’application de filtres sur des images de cone-beam à différentes résolutions.

150 150 SFE Endodontie

Diagnostic des fractures verticales mésio-distales de racines de dents présentant des tenons métalliques : influence de l’application de filtres sur des images de cone-beam à différentes résolutions.

Diagnosis of mesiodistal vertical root fractures in teeth with metal posts: influence of applying filters in cone-beam computed tomography images at different resolutions

De Martin E Silva D, Campos CN, Pires Carvalho AC, Devito KL

Journal of Endodontics, Nov 2017, in press

 

Introduction :

Le but de cet article était d’évaluer l’influence de l’application de filtres sur des images de cone-beam (CBCT) à différentes résolutions. Ces images ont été obtenues pour le diagnostic de fractures verticales (FV) mésio-distales de racines de dents présentant des tenons métalliques.

 

Méthodes:

40 dents ont été traitées endodontiquement et 20 ont reçu un tenon métallique. Des FV mésio-distales ont été observées sur 10 dents sans tenon et sur 10 dents avec tenon. Des radiographies rétro-alvéolaires et des examens CBCT avec des voxels de 0,25 et 0,30 mm ont été réalisés. Afin de réduire l’influence des artéfacts dus au métal sur les images CBCT, les dents ont été évaluées avec et sans l’application de filtres (netteté et intensité). Les images ont été observées par 2 radiologues qui ont recherché des FV. La précision des différentes variables a été comparée (aire sous la courbe ROC) en effectuant une analyse de la variance et un t-test

 

Résultats:

Aucune différence n’a été observée entre les images brutes ou filtrées. Les images obtenues avec des voxels de 0,25 mm étaient plus précises (p<0,05). La présence d’un tenon métallique a réduit la précision du diagnostic de fracture verticale (p<0,05). De plus, le diagnostic sur les images CBCT a montré une précision supérieure à celui effectué à partir d’images radiographiques rétro-alvéolaires (p<0,05).

 

Conclusions:

La présence d’un tenon métallique et la taille des voxels interfèrent significativement avec le diagnostic de fracture verticale. Malgré la présence d’artéfacts dus aux tenons métalliques, l’application de filtres n’a pas amélioré le diagnostic. Pour les fractures verticales mésio-distales, le CBCT est supérieur à la radiographie rétro-alvéolaire.

 

Commentaires:

  • La recherche d’une fracture radiculaire verticale est fondamentale pour le praticien car elle revient à se poser cette question : faut-il conserver ou extraire la dent ? Nous sommes souvent confrontés à cette problématique diagnostique difficile, lourde de conséquences. L’examen clinique est primordial pour effectuer le diagnostic différentiel avec d’autres pathologies endodontiques ou parodontales (parodontite apicale ou encore syndrome du septum) par les tests de morsure, de transillumination ou encore le sondage parodontal. Cependant, il reste difficile de déceler une fracture verticale uniquement radiculaire notamment si l’attache épithélio-conjonctive et l’os alvéolaire sont préservés et si la fracture n’est pas déplacée. C’est dans les situations de doute que le CBCT trouve pleinement sa place par son approche tridimensionnelle sans superposition. Par contre, même si cet examen complémentaire peut apporter de précieuses informations, il reste limité par l’apparition d’artéfacts en présence de matériaux fortement radio-opaques tels que les tenons métalliques ou la gutta-percha. Des filtres numériques permettent de réduire ces artéfacts mais leur efficacité n’a pas été démontrée dans la littérature, tant les conclusions des études divergent. Cette absence de consensus peut s’expliquer en partie par un manque de standardisation des protocoles expérimentaux (axe des fractures, type de CBCT, protocole d’acquisition) même s’il ressort majoritairement que l’augmentation de la résolution permet d’affiner le diagnostic
  • L’article analysé ce mois-ci est intéressant car il tente de répondre à la question suivante de manière systématisée : est-ce que l’application de filtres sur des données CBCT de dents présentant une fracture verticale mésio-distale permet d’améliorer le diagnostic ?
  • Quarante dents humaines monoradiculées ont été traitées endodontiquement. Vingt dents ont reçu un ancrage radiculaire. Deux groupes ont été constitués de manière aléatoire : fracture verticale/pas de fracture verticale. Ces 2 groupes étaient constitués chacun de 10 dents avec tenon et de 10 dents sans tenon, ce qui limite la puissance de l’étude. Les fractures ont été réalisées à l’aide d’un ciseau et d’un marteau, ce qui a permis de contrôler leur axe dans le sens mésio-distal.
  • Afin de s’approcher au mieux d’une situation clinique, les dents ont été positionnées dans les alvéoles d’une mandibule humaine sèche, puis radiographiées par technique rétro-alvéolaire conventionnelle et CBCT. Les auteurs ont augmenté l’intérêt de cette étude en utilisant 2 résolutions différentes (0,3 et 0,25 mm). Cependant, il existe aujourd’hui des CBCT de petit champ largement répandus permettant d’obtenir une résolution bien meilleure (supérieure à 0,09 mm), ce qui pourrait avoir une influence sur les résultats. Deux radiologues ont évalué les images indépendamment en appliquant un score de 1 à 5 :
  • 1 : fracture assurément présente
  • 2 : fracture probablement présente
  • 3 : incertain
  • 4 : fracture probablement absente
  • 5 : fracture assurément absente.Le test de kappa a montré une concordance moyenne entre les 2 observateurs, ce qui montre un biais lié à l’interprétation des images radiographiques.

Pour évaluer l’efficacité diagnostique, les auteurs ont effectué une analyse bien menée de l’aire sous la courbe ROC qui permet de mesurer la sensibilité/spécificité d’une mesure binaire (dans le cas présent : présence/absence d’une fracture) pour chaque sous-groupe. Pour exemple, une valeur de 1 vers laquelle il faut tendre signe l’absence de faux négatifs et de faux positifs alors qu’une valeur de 0 montre l’absence de vrais négatifs et de vrais positifs.

  • Les meilleurs résultats de précision diagnostique ont été observés par CBCT en l’absence de tenons métalliques pour la plus haute résolution (0,25 mm) (0,89-0,99). Tandis que les dents avec présence d’un tenon et la plus faible résolution d’acquisition (0,30 mm) ont obtenu une précision diagnostique inférieure (0,52-0,65). Les auteurs n’ont pas décelé de différence significative de la précision diagnostique quel que soit le mode de filtrage utilisé. Enfin, le diagnostic effectué sur des radiographies rétro-alvéolaires était globalement moins précis qu’avec le CBCT avec tenon (0,59-0,68) et sans tenon (0,35-0,36).
  • Visuellement, les filtres appliqués sur une image CBCT peuvent sembler augmenter la netteté et les détails des informations, mais il ne s’agit en réalité que d’un traitement numérique des données et non pas d’une réelle différence de densité radiologique. Ceci peut provoquer l’apparition de nouveaux artéfacts (exemple d’une radioclarté marquée autour d’un élément très radio-opaque) réduisant la sensibilité et la spécificité de l’examen. L’aspect visuel d’images post-traitées peut donc sembler satisfaisant sans pour autant améliorer significativement l’efficacité diagnostique. Ces images pourront par contre être utilisées dans un but de communication avec le patient.
  • Enfin, nous savons que la radiographie rétro-alvéolaire est intéressante pour le diagnostic de fractures verticales vestibulo-linguales. Le diagnostic est plus complexe lorsque la fracture est mésio-distale (superposition radiographique, accès plus difficile pour le sondage parodontal) et c’est là que le CBCT est particulièrement indiqué qu’il y ait ou non un tenon métallique. L’utilisation de la résolution maximale disponible optimise la précision diagnostique au prix d’une irradiation augmentée mais qui peut être contenue en choisissant une fenêtre d’acquisition de petit champ. Une bonne volonté du praticien souhaitant réduire l’irradiation par une résolution plus faible n’est en réalité pas bénéfique pour le patient car une fracture verticale pourrait ainsi ne pas être décelée. Pour conclure, il est indispensable que le praticien soit formé à l’utilisation du CBCT pour en maîtriser les avantages et les limites et de toujours garder à l’esprit que les post-traitements d’images numériques ne permettent pas systématiquement de rendre compte de la réalité clinique.

 

Résumé et analyse : Dr. Thibault Bécavin (Lille), Dr. Lieven Robberecht (Lille), Pr. Etienne Deveaux (Lille), Dr. Grégory Caron, Dr Anne Charlotte Flouriot (Paris), Dr Caroline Trocme (Paris) – Décembre 2017

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