Analyse d'articles

Effet de la prise de corticostéroides en pré-opératoire sur la douleur post-opératoire de patients en pulpite symptomatique faisant l’objet d’un traitement endodontique en une séance : revue systématique et méta-analyse

Effet de la prise de corticostéroides en pré-opératoire sur la douleur post-opératoire de patients en pulpite symptomatique faisant l’objet d’un traitement endodontique en une séance : revue systématique et méta-analyse

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Effet de la prise de corticostéroides en pré-opératoire sur la douleur post-opératoire de patients en pulpite symptomatique faisant l’objet d’un traitement endodontique en une séance : revue systématique et méta-analyse

Effect of Preoperative Corticosteroids in Patients with Symptomatic Pulpitis on Postoperative Pain after Single-visit Root Canal Treatment: A Systematic Review and Meta-analysis

Suneelkumar C, Subha A, Gogala D. J Endod. 2018 Sep;44(9):1347-1354.

 

Introduction:

Cette étude pose la question suivante en terme de population, intervention, comparateur, résultats, timing, design d’étude et mise en place : pour les patients victimes de douleurs pré-opératoires faisant l’objet d’un traitement endodontique, quelle est l’efficacité de la prise de corticostéroïdes en matière de réduction de la douleur postopératoire en comparaison avec celle d’autres analgésiques ou d’un placébo?

 

Matériels et Méthodes:

L’interrogation des bases de données et les recherches électroniques sont menées grâce à Pubmed/MEDLINE, Scopus et la Cochrane pour identifier les articles publiés sur le sujet en utilisant les mots-clefs retenus selon diverses combinaisons. Une recherche manuelle est effectuée, et le site Clinicaltrials.gov est aussi consulté. Deux examinateurs indépendants vérifient l’éligibilité à l’inclusion, l’extraction des données et apprécient leur qualité grâce à un outil évaluant le risque de biais. Lorsque cela est possible, une méta-analyse est conduite sur l’effet réuni.

Résultats:

La recherche dans des bases de données identifie 481 articles sur la pertinence de leur titre, 37 pour la recherche manuelle. Après élimination des doublons et lecture des résumés, 28 textes intégraux sont retenus. Cinq articles satisfont aux critères d’inclusion. L’analyse qualitative révèle un risque de biais incertain sur 4 des 5 études, la cinquième en ayant un faible. Pour une seule des études, la taille de l’échantillon est substantielle, les autres en rapportent des moindres. La méta-analyse montre que la prednisolone administrée en préopératoire permet une diminution de l’incidence de la douleur post-opératoire à 6, 12 et 24 heures. Aucun effet indésirable n’est rapporté par les patients des études

Conclusions:

Les corticostéroïdes peuvent être plus efficace qu’un placebo pour soulager les douleurs post-opératoires d’origine endodontique sur des patients avec pulpite symptomatique faisant l’objet d’un traitement endodontique en 1 séance. D’autres études avec de plus larges tailles d’échantillons sont toutefois nécessaires pour valider ces conclusions.

Commentaires :

En cas de pulpite symptomatique, le souci de tout praticien est de parvenir au soulagement de son patient. L’objectif de cette prise en charge est bien sûr l’obtention la plus rapide possible de la résolution des symptômes, et donc la disparition de la douleur.

La problématique du chirurgien dentiste, même avec un niveau technique optimal, réside dans la relation étroite qui existe :

– entre la présence de douleur pré-opératoire et le risque accru de survenue de douleur post-opératoire.

– entre l’anxiété et la fréquence des douleurs ressenties en per et en post-opératoire.

Est-il donc possible de briser ce cercle vicieux « anxiété – douleur pré-opératoire – douleur post-opératoire » en ajoutant une corde à notre arc ? C’est le thème que se propose d’aborder cette revue systématique. Elle fait le point sur l’intérêt potentiel du recours aux corticostéroïdes en pré-opératoire pour réduire les douleurs post-opératoires après intervention endodontique dans un contexte de pulpite symptomatique. L’efficacité d’une telle prise en charge pourrait aussi permettre une meilleure régulation tant en terme de quantité que de fréquence, de la prise d’antalgiques et donc d’effets indésirables associés. Le rationnel permettant d’expliquer le choix des corticostéroïdes vient de leur capacité à réduire la réaction inflammatoire par le biais d’une cascade d’événements biologiques. L’idée est d’obtenir cette fois-ci des conclusions exploitables en veillant au rassemblement d’études les plus homogènes possibles, ce qui n’a malheureusement pas été permis par les travaux de Iranmanesh et coll. en 2017.

L’originalité de cette revue est de faire le point sur cette classe médicamenteuse. La plus étudiée restant à ce jour les AINS dont l’efficacité semble prouvée si l’on en croit la revue systématique de Li et coll. (2012), mais qui ne peut se faire en prise unique.

Si l’on rentre dans le détail du protocole :

Les auteurs formulent leur question PICO :

  • Population : pulpite symptomatique
  • Intervention : médication pré-opératoire à l’aide de corticostéroïdes et traitement endodontique en une séance.
  • Comparaison : avec médication pré-opératoire placebo ou autre traitement endodontique en une séance.

Les principaux résultats d’intérêt enregistrés à 6, 12, 24 et 48 heures post-opératoire sont :

  1. Le pourcentage de patients rapportant une réduction significative de la douleur (comme définie par les auteurs de l’étude)
  2. La différence de score de douleur entre les groupes, mesurée à l’aide d’une échelle d’évaluation de la douleur validée et reconnue et le pourcentage de patients qui nécessitent une prise « secours » d’autres antalgiques.

Les résultats secondaires concernent :

  1. La quantité d’antalgiques « secours » nécessaires pendant les premières 48 h.
  2. Les effets indésirables rapportés dans les premières 48 h.

La recherche de la littérature a lieu à l’aide de 2 mots-clefs combinés de différentes manières (« douleur postopératoire » et « traitement endodontique »). Elle est menée à la fois manuellement et à l’aide de 3 bases de données : PubMed/ MEDLINE, Scopus, et la Cochrane jusqu’à janvier 2018, renouvelée en février. Les études inclues sont toutes des essais cliniques contrôlés randomisés remplissant les critères d’inclusions suivants :

  1. Adulte avec pulpite symptomatique avec ou sans parodontite apicale.
  2. Comparaison de la douleur pré- et post-opératoire à l’aide d’une échelle validée.
  3. Matériel d’étude : dents aussi bien vivantes que nécrosées, mais dont les résultats sont rapportés séparément pour les dents vivantes.
  4. Traitement endodontique en 1 seule séance.
  5. Patients ayant reçu des corticostéroïdes en pré-interventionnel avec mesure post-opératoire de la douleur à différents intervalles de temps (au moins pendant 48 heures) en comparaison avec un placebo ou une autre famille de mé

Sont exclues les études pour lesquelles le traitement endodontique se fait en plusieurs séances, et celles dont les douleurs peuvent être associées à une nécrose pulpaire.

Deux juges indépendants vérifient que chaque étude est en conformité avec les critères précédemment définis. En cas de litige, un troisième juge est mandaté pour trouver un compromis. L’outil « risque de biais » de la Cochrane Collaboration (faible, incertain, élevé) est utilisé pour valider la qualité de chaque étude retenue pour ce qui est de leur protocole et des différents risques de biais existants. Seules cinq sont retenues.La collecte des données est réalisée grâce à un formulaire personnalisé (nom des auteurs, date de publication, …).La précision de l’analyse statistique obtenue est vérifiée à l’aide du logiciel « review manager » de la Cochrane Collaboration. La méta-analyse est réalisée sur des études comparables quant à l’intervention.

 

Critiques :

  • Les « guidelines » à disposition pour la rédaction d’une revue systématique et méta-analyse sont suivis..
  • La Recherche documentaire est correctement menée : formulation PICO décrite, bases de données fiables et mots-clefs précisés, mais pas leurs combinaisons.
  • Les critères d’inclusion manquent de précision/clarté : pas de définition réelle en terme de douleur/symptômes de ce que considèrent les auteurs comme un diagnostic de pulpite symptomatique, source potentielle d’hétérogénéité entre les études retenues. Pour une majorité on lit « pulpite irréversible » comme diagnostic retenu mais le type de dent vient à manquer. Par contre, pour l’une d’elles, il s’agit de « prémolaires/molaires mandibulaires vitales ou non vitales symptomatique ou asymptomatiques ». Rien n’est donc très clair: ni le type de dents ni le diagnostic retenu, ou sur quels critères repose ce diagnostic ! Or ces informations sont autant de paramètres pouvant influencer les résultats. S’il s’agit de la gestion des douleurs post-opératoires de patients en pulpite irréversible, ne faudrait-il pas tester l’efficacité de la prise de ces médicaments dans le cadre d’une pulpotomie réalisée en urgence et non pas d’un traitement endodontique complet ?
  • L’outil « risque de biais » de la Cochrane Collaboration est fortement apprécié pour évaluer le risque de biais dans les essais cliniques contrôlés randomisés individuels inclus dans une synthèse méthodique. Cet outil requiert cependant certaines connaissances de base et une interprétation correcte. La qualité des essais randomisés contrôlés ainsi que leur validité interne sont seulement mesurés, et non la méthodologie de réalisation de la synthèse méthodique elle-même. Or les résultats d’une synthèse méthodique correctement conduite ne peuvent se traduire dans la pratique par des recommandations ou des guides de pratique clinique qu’en fonction de leur validité externe.
  • D’autres différences sont rapportées en terme de protocole puisque pour 4 des études on évalue l’efficacité de la prednisolone per os, alors que pour la dernière il s’agit d’une injection intra-ligamentaire de dexaméthasone. L’échelle VAS est utilisée mais pas dans les 5 études non plus, et pour 2 d’entre elles on ne sait pas avec quel autre médicament est réalisée la comparaison, ou si comparaison il y a.

Face à une telle hétérogénéité et au nombre restreint d’études sélectionnées dont les protocoles paraissent douteux pour certains, il est difficile de ne pas rester sceptique quant aux conclusions de cette revue systématique.

L’intérêt du recours aux corticostéroïdes en préopératoire en cas de pulpite symptomatique reste discutable en l’absence d’études de meilleur niveau scientifique.

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