Analyse d'articles

Incidence de ruptures d’instruments Reciproc et WaveOne lors de la préparation canalaire de plusieurs dents postérieures (jusqu’à trois) : Une étude clinique prospective

Incidence de ruptures d’instruments Reciproc et WaveOne lors de la préparation canalaire de plusieurs dents postérieures (jusqu’à trois) : Une étude clinique prospective

150 150 SFE Endodontie

Incidence de ruptures d'instruments Reciproc et WaveOne lors de la préparation canalaire de plusieurs dents postérieures (jusqu'à trois) : Une étude clinique prospective

Fracture Incidence of WaveOne and Reciproc Files during Root Canal Preparation of up to 3 Posterior Teeth: A Prospective Clinical Study

Clovis Stephano Pereira Bueno, Daniel Pinto de Oliveira, MS, Rina Andrea Pelegrine, Carlos Eduardo Fontana, Daniel Guimaraes Pedro Rocha, and Carlos Eduardo da Silveira Bueno,

Journal of Endodontics, 43-5, May 2017: 705-708

Incidence de ruptures d’instruments Reciproc et WaveOne lors de la préparation canalaire de plusieurs dents postérieures (jusqu’à trois) : Une étude clinique prospective

Clovis Stephano Pereira Bueno, Daniel Pinto de Oliveira, MS, Rina Andrea Pelegrine, Carlos Eduardo Fontana, Daniel Guimaraes Pedro Rocha, and Carlos Eduardo da Silveira Bueno,

Journal of Endodontics, 43-5, May 2017: 705-708

Introduction

Les instruments de réciprocité ont été développés pour améliorer et simplifier la préparation du système canalaire en améliorant le centrage du canal et en nécessitant une courbe d’apprentissage raccourcie. Malgré le risque de rupture, l’utilisation à plusieurs reprises d’un même instrument de réciprocité est une pratique clinique relativement répandue. Le but de cette étude était d’évaluer la résistance à la rupture du Reciproc (R25; VDW) et du WaveOne (Primary; Dentsply) selon leur nombre d’utilisations lors de la préparation de plusieurs dents postérieures (jusqu’à trois).

Méthodologie

Une étude clinique prospective a été menée par trois endodontistes expérimentés qui ont réalisé les traitements de 358 dents postérieures (1130 canaux) sur une période de 12 mois en utilisant 120 instruments de réciprocité, dont 60 étaient des Reciproc R25 et 60 des WaveOne Primary. La dynamique appliquée lors de l’instrumentation a suivi les recommandations des fabricants. Après chaque utilisation, les instruments ont été observés à l’aide d’un microscope opératoire (×8). En cas de rupture ou de déformations, les instruments ont été éliminés.

 

Résultats

 

Aucun instrument n’a montré de signe de déformation, mais trois instruments ont subit une rupture (0,26% du nombre de canaux et 0,84% du nombre de dents). Toutes les ruptures sont survenues dans des molaires mandibulaires (1 WaveOne Primary lors de la 3e utilisation et 2 Reciproc R25, un durant sa première utilisation et l’autre durant la 3e utilisation).

Conclusions

L’incidence de rupture instrumentale était faible lorsque les instruments de réciprocités ont été utilisés jusqu’à trois fois lors du traitement endodontique de dents postérieures.

Commentaires

Les ruptures d’instruments de mise en forme canalaire font partie des incidents fâcheux rencontrés par l’omnipraticien. Elles peuvent être liées à une contrainte en torsion dépassant la limite élastique de l’alliage ou encore à une fracture par fatigue en relation avec des contraintes de traction/compression accumulées dans l’alliage. Ainsi, le risque de rupture en torsion est augmenté en cas de blocage de la pointe instrumentale ou d’engaînement lorsque les contraintes entre l’instrument et les parois canalaires sont excessives. La rupture en fatigue quant à elle peut survenir lorsque des contraintes s’accumulent dans l’alliage pour former des défauts, ce qui aboutit à une rupture à la flexion. La majorité des auteurs reconnaissent que la rupture instrumentale est conditionnée par la géométrie de la section instrumentale ainsi que par la nature, la flexibilité, le nombre de défauts et la capacité de déformation plastique de l’alliage nickel-titane. L’apparition récente des instruments de mise en forme par réciprocité a montré plusieurs avantages pour simplifier et sécuriser la mise en forme canalaire. En effet, l’utilisation d’un mouvement instrumental rotatif alternatif asymétrique permet d’optimiser le centrage mais surtout de ne pas dépasser la limite élastique de l’alliage. Cependant, l’apparition des instruments uniques nécessite une résistance mécanique accrue car ils sont soumis aux contraintes classiquement réparties sur l’ensemble d’une séquence. Dans ce sens, des traitements thermiques ont permis d’accroitre la résistance à la rupture en fatigue cyclique et d’augmenter la flexibilité.

Les fabricants préfèrent recommander une utilisation unique de ce type d’instruments pour se prémunir à la fois du risque de rupture et du risque de contamination croisée. Pour ce faire, le mandrin des instruments de réciprocité comprend une bague en silicone qui gonfle lors du cycle de stérilisation à l’autoclave et qui empêche son repositionnement dans la tête du contre-angle. Une pratique relativement répandue et non recommandée consiste à éliminer cette bague pour réutiliser les instruments qui sont couteux, aux risques et périls du praticien.

 

Dans ce contexte, ce travail est très intéressant car il tente de mesurer l’influence d’une utilisation multiple d’instruments de réciprocité sur l’incidence de leur rupture par une étude clinique prospective. Même si les auteurs expliquent avoir mené une étude pilote sur 12 dents extraites ayant permis l’approbation du protocole expérimental par le comité d’éthique local, il peut sembler surprenant d’avoir autorisé une étude clinique sur patient ne suivant pas les recommandations d’utilisation de ces instruments. Ceci pourrait entrainer une perte de chance pour les patients inclus.

Trois endodontistes expérimentés ont réalisé 358 traitements canalaires sous aides optiques selon un protocole classique et standardisé (mise en forme du tiers apical : 3 mouvements de va et vient avec brossage pariétal réalisés pour les 3 tiers : tiers cervical, médian et apical).

Les critères d’exclusion étaient les suivant :

  • édification radiculaire incomplète
  • canaux minéralisés
  • courbure radiculaire supérieur à 45°
  • double courbure

Les instruments ont été utilisés à 3 reprises :

  • Première utilisation : instruments neufs sortis du blister stérile avec bague de silicone intacte. Après utilisation, ces instruments ont été décontaminés pendant 20 minutes dans un détergent puis stérilisés dans un autoclave (134°C, 24 minutes).
  • Deuxième utilisation : instruments sortis de l’autoclave et élimination de la bague en silicone. Après utilisation, le cycle de stérilisation décrit précédemment a été répété.
  • Troisième utilisation.

 

Après chaque traitement endodontique, les opérateurs ont complété un questionnaire relatant les déformations ou rupture des instruments. En cas de rupture, les opérateurs ont également renseigné le type d’instrument, la dimension du fragment, la localisation, le nombre d’utilisations avant rupture et le succès/échec de tentative de passage en parallèle (bypass) ou d’élimination.

 

Cette étude présente une puissance statistique qui a été calculée en amont de l’expérimentation. Cependant, le nombre idéal d’échantillon n’a pas pu être atteint, suite à l’exclusion de 26 dents. L’attribution des instruments aux dents a été randomisée, mais le type des dents traitées et leur anatomie n’ont pas été standardisés. Ainsi, les contraintes subies par les instruments sur les parois canalaires n’étaient pas homogènes, ce qui peut être à l’origine d’un biais dans l’étude. De plus, les dents présentant des difficultés de traitement ont été systématiquement exclues, ce qui rend impossible une extrapolation directe des résultats à la diversité des situations cliniques pouvant être rencontrées. Et c’est justement dans ces situations extrêmes que le risque de rupture instrumentale est le plus grand. Enfin, la méthode de contrôle visuel des instruments n’est pas précisément décrite dans le document. Il est important de noter qu’il n’est pas possible d’apprécier visuellement les défauts accumulés dans un alliage qui sont à l’origine des ruptures en fatigue. Par contre, il est uniquement possible pour le chirurgien-dentiste d’observer les conséquences macroscopiques des contraintes excessives (dévrillement, fracture…).

Les résultats ont montré la rupture d’un Réciproc en première utilisation dans le tiers moyen et 2 ruptures d’un Réciproc et d’un Wave One en 3e utilisation dans le tiers apical. L’incidence de rupture instrumentale étant proche de zéro, aucun test statistique n’a pu être réalisé. La rupture dans le tiers moyen pourrait s’expliquer par un défaut dans l’alliage ou par un manque de préparation de l’entrée canalaire. En effet, aucun instrument (forêt de Gates, orifice opener) spécifique n’a été utilisé. Les deux ruptures survenues lors de la 3e utilisation dans le tiers apical sont vraisemblablement dues à l’accumulation de défauts consécutifs aux utilisations préalables. Il aurait pu être intéressant de confirmer ces hypothèses en caractérisant le type de rupture par des observations au microscope électronique à balayage.

 

Bien que ces résultats semblent montrer que le risque de rupture des instruments est faible (0,26 %) malgré une utilisation répétée, les 2/3 des ruptures observées dans cette étude clinique auraient pu être évitées en suivant les recommandations d’utilisation, ce qui à nos yeux représente une perte de chance pour les patients. D’autant plus que la forte conicité et les contraintes importantes entre ces instruments et les parois canalaires peuvent provoquer un engainement rendant le retrait et le passage en parallèle (bypass) plus difficiles qu’avec des instruments de faible conicité. La faible incidence de rupture instrumentale déterminée ici montre, en accord avec la littérature que l’évolution des alliages et de la dynamique instrumentale (réciprocité et rotation continue avec contrôle de couple) permet d’augmenter la sécurité de la mise en forme canalaire.

 

En conclusion, cet article tente de répondre de manière scientifique à une question que se posent de nombreux praticiens : est-il possible de réutiliser sereinement un instrument de réciprocité ? La réponse est ambiguë car même si le risque de rupture est très faible, il est toujours présent et le praticien ne pourra pas justifier de la mise en œuvre de l’ensemble des moyens de prévention des risques définis dans les recommandations, notamment en cas de litige. Il nous paraît donc préférable de ne pas réutiliser les instruments. De plus, ces recommandations sont de plus en plus souvent proposées pour l’ensemble des systèmes de mise en forme canalaire, qu’ils fonctionnent en réciprocité ou en rotation continue, allant vers un concept d’instrument à usage unique. Le praticien doit connaître les principaux facteurs de risque de rupture et mettre en œuvre des moyens préventifs : choisir un système de mise en forme adapté à la situation clinique, aménager correctement la cavité d’accès, sélectionner une vitesse et un couple adaptés, appliquer la technique du crown-down, irriguer suffisamment, réduire les contraintes en instrumentant prudemment, contrôler visuellement les instruments à la recherche des signes de fatigue et préférer les instruments à usage unique. Si malgré ces principes de précaution l’instrument vient à se rompre, des méthodes de retrait seront envisageables comme le passage en parallèle (bypass), l’utilisation d’instruments ultrasonores ou d’un extracteur.

Pour aller plus loin :

– Dahan S. Facteurs prédictifs du succès des thérapeutiques endodontiques. Réalités Cliniques. 2014;25:77–88.

– Simon S, Machtou P, Tomson P, Adams N, Lumley P. Influence of fractured instruments on the success rate of endodontic treatment. Dent Update 2008;35:172-179.

Cas clinique :

Elimination de débris instrumentaux dans une racine disto-vestibulaire d’une 27

Laisser une réponse

Votre adresse courriel ne sera pas poubliée