Évaluation de la fiabilité des mesures de limites apicales de préparation grâce au CBCT et au localisateur d'apex électronique sur des dents avec de larges LIPOE.
Introduction
Cette étude évalue la mesure de la longueur de travail (LT) lors d’un traitement endodontique sur des dents porteuses de larges LIPOE avec persistance d’un écoule- ment intracanalaire à l’aide de cone-beams (CBCT) préexistant. Ces valeurs de LT ont été comparées avec des mesures cliniques obtenues grâce à deux localisateurs d’apex différents.
Méthodologie
Tous les patients inclus ont réalisé un examen CBCT indépendamment de la présente étude et ont nécessité la réalisation d’un traitement endodontique sur une dent présente dans le champ d’acquisition. Soixante-treize dents monocanalaires nécessitant un traitement endodontique ont été étudiées. Un endodontiste a mesuré chaque longueur au foramen majeur avec deux localisateurs d’apex différents. Les mesures ont été répétées trois fois avec un pied à coulisse numérique. C’est la moyenne de ces mesures qui a été enregistrée. Cette moyenne a été comparée à la mesure ob- tenue sur les coupes CBCT par un radiologue non impliqué dans le traitement endodontique. Les mesures faites au CBCT ont été prises deux fois afin d’en analyser la fiabilité. Les données ont été analysées statistiquement.
Résultats
Aucune différence significative n’a été retrouvée entre les techniques de mesures (p > 0,05).
Conclusions
Sur des dents avec de larges LIPOE et persistance d’un écoulement intracanalaire, la mesure de la longueur canalaire est aussi fiable quand elle est déterminée au CBCT ou au localisateur d’apex.
Commentaires
La détermination de la longueur de travail est déterminante pour le succès final d’un traitement endodontique. Pour rappel, la longueur de travail idéale est classiquement définie par la longueur au foramen majeur moins 0,5 à 1 mm; ce qui correspond statistiquement à la position du foramen mineur (zone de la constriction api- cale).
Plusieurs méthodes permettent d’estimer la longueur de travail à partir de la position du foramen majeur. La radiographie rétroalvéolaire est limitée par son aspect bidimensionnel, la présence éventuelle de distorsion ou de superposition. Par ailleurs, il est impossible avec cette technique de déterminer avec précision la position du foramen majeur car seul l’apex radiographique est visible. Des méthodes électroniques de détermination de la position du foramen majeur par localisateur d’apex électronique (LAE) existent. Elles présentent l’avantage d’être précises sur dents non-infectées et de diminuer l’exposition aux rayonnements ionisants. Cependant, la présence d’une LIPOE, de solutions d’irrigation, d’exsudats, de sang, de dé- bris, d’un apex large ou encore le diamètre de l’instrument utilisé peuvent fausser les mesures
Le but de cette étude était d’évaluer la précision de deux LAE (Propex Pixi, Maillefer et Raypex 6, VDW) comparée avec des mesures réalisées sur CBCT pour déterminer la longueur canalaire jusqu’ au foramen majeur sur des dents infectées.
Les auteurs ont sélectionné 73 dents présentant un canal unique. Les molai- res et prémolaires pluricanalaires ont été exclues, ainsi que les dents présentant une résorption apicale sévère. Les dents présentant des reconstitutions métalliques ont elles aussi été exclues. Ceci a permis aux auteurs de limiter les biais liés à l’apparition d’artéfact radiologique, ainsi que les interférences avec la détermination électronique de la longueur de travail. Par ailleurs, seules les dents présentant des canaux droits ont été inclues, ce qui ne permet pas d’extrapoler directement les résultats de cette étude aux racines courbes. Il pourrait donc être intéressant de con- firmer ces résultats en développant un protocole expérimental adapté à la mesure de canaux courbes.
Les auteurs ont choisi le CBCT (résolution 125 µm) comme référence pour mesurer la longueur au foramen majeur. Cette résolution semble acceptable comme l’ont montré les travaux de Connert et coll (2014). Ils ont comparé, sur 42 dents ex- traites, les mesures obtenues avec une lime positionnée dans le canal et le CBCT (200 µm). Leurs résultats ont montré une forte corrélation ce qui a permis de valider l’utilisation du CBCT comme outil pour la mesure de la longueur au foramen majeur. Cependant, une variabilité des mesures peut être retrouvée en fonction de la coupe choisie. Dans l’étude présentée ici, les auteurs ont choisi d’effectuer deux mesures distinctes qui ont montré une forte corrélation (coefficient de corrélation de Pearson = 0,96), ce qui limite ce biais dans l’interprétation des résultats.
De plus, les interprétations CBCT ont été réalisées par un radiologue. Ce point est intéressant car un spécialiste possède une parfaite maîtrise dans l’utilisation des logiciels d’analyse d’images radiographiques. Cependant, le choix des repères coronaires pour la détermination de la longueur au foramen majeur est primordial. En ef- fet, ceux choisis sur des critères radiographiques peuvent différer de ceux qui sont sélectionnés cliniquement et sont donc susceptibles d’entrainer une variation de la mesure. Ce point souligne l’importance de la nécessité pour le chirurgien-dentiste de posséder des connaissances théoriques en radiologie et une expérience clinique suffisante afin d’optimiser la qualité de la détermination de la longueur de travail.
L’endodontiste ayant réalisé les mesures électroniques de la longueur au foramen majeur n’avait pas connaissance des mesures faites au CBCT, mais le repère coronaire a été standardisé. La longueur de travail a été calculée par soustraction de 0,5 à 1 mm à la longueur mesurée.
Les résultats n’ont montré aucune différence significative entre les trois méthodes étudiées.
Jusqu’à récemment il était admis que l’utilisation des LAE sur dents infectées était peu fiable. Cette étude est particulièrement intéressante car elle montre avec d’autres travaux que les LAE actuels fonctionneraient correctement sur des dents infectées avec un canal droit. Ces résultats doivent désormais être confirmés sur des dents présentant des anatomies complexes. En effet, la détermination de la position du foramen majeur permet la détermination de la longueur de travail par calcul (Lt- 0,5/1 mm). Cette étape est indispensable pour la préservation de l’intégrité de la constriction apicale et donc pour la bonne conduite du traitement. La simplicité d’emploi ainsi que la fiabilité de cet outil en font un « must have » de tout cabinet dentaire car il permet un gain de temps et une sécurité accrue lors de la réalisation d’un traitement endodontique.
Par ailleurs, il est conseillé de tirer profit de tous les éléments préopératoires disponibles, et en particulier de la possibilité de calculer la longueur de travail avec précision lorsqu’un CBCT préexistant est disponible. Cependant, cet examen qui reste complémentaire, doit uniquement être prescrit lorsqu’il est susceptible d’apporter un réel bénéfice dans la prise en charge du patient. Il est indispensable de garder à l’esprit les principes ALARA de radioprotection (As Low As Reasonably Achievable) (aussi bas que raisonnablement possible).
L’utilisation de ces différentes techniques ne doit pas dispenser le praticien de maîtriser la technique de la radiographie lime en place tout en connaissant ses limites. De plus, le praticien ne devra pas faire l’économie de la réalisation d’une radio- graphie cône en place qui reste une sécurité afin de garantir le positionnement optimal des matériaux d’obturation dans le canal.
Pour conclure, même si les nouvelles technologies permettent de faciliter et de simplifier le protocole des traitements endodontiques, elles ne permettent toujours pas de « sauter » une étape. C’est le respect de ce protocole qui sera le garant de la réussite des traitements.
Evaluation of the Reliability of Cone-beam Computed Tomography Scanning and Electronic Apex Locator Measurements in Working Length Determination of Teeth with Large Periapical Lesions
Üstün, T. Aslan, A.E. Sekerci, B. Sagsen
Journal of Endodontics. 2016;42;1334-1337, doi: 10.1016/j.joen.2016.06.010
Résumé et analyse : Dr. Thibault Bécavin (Lille), Dr. Lieven Robberecht (Lille), Pr. Etienne DEVEAUX (Lille) Dr. Grégory CARON, Anne Charlotte Flouriot (Paris) – Septembre 2016
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