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Douleur postopératoire après retraitement endodontique avec instruments de rotation continue ou de réciprocité : Un essai clinique randomisé.

Douleur postopératoire après retraitement endodontique avec instruments de rotation continue ou de réciprocité : Un essai clinique randomisé.

150 150 SFE Endodontie

Douleur postopératoire après retraitement endodontique avec instruments de rotation continue ou de réciprocité : Un essai clinique randomisé.

Postoperative pain after endodontic retreatment using rotary or reciprocating instruments : A randomized clinical trial.

Comparin DMoreira EJLSouza EMDe-Deus GArias ASilva EJNL.

J Endod. 2017 Jul;43(7):1084-1088

Douleur postopératoire après retraitement endodontique avec instruments de rotation continue ou de réciprocité : Un essai clinique randomisé.

Comparin DMoreira EJLSouza EMDe-Deus GArias ASilva EJNL.

J Endod. 2017 Jul;43(7):1084-1088 

Introduction :

Le but de cette étude randomisée est d’évaluer dans le cadre du retraitement l’influence de la rotation continue ou de la réciprocité sur les douleurs postopératoires ressenties par le patient : incidence, intensité, durée, consommation médicamenteuse.

Méthodes :

Soixante-cinq patients nécessitant un retraitement endodontique ont été assignés de manière aléatoire à 2 groupes se distinguant par le type d’instrumentation utilisée : Groupe 1 rotation continue Mtwo (VDW, Munich, Germany) ; Groupe 2 réciprocité Reciproc (VDW).

Les retraitements sont réalisés en une seule séance par un endodontiste. Les participants doivent coter l’incidence et l’intensité des douleurs postopératoires ressenties à l’aide d’une échelle d’évaluation verbale 24, 48, et 72h après le retraitement. La prise médicamenteuse doit aussi être rapportée : les patients doivent préciser le nombre de comprimés analgésiques prescris (ibuprofène 400 mg) qu’ils ont consommé.

L’incidence et la durée de la douleur ont été appréciées à l’aide d’une analyse de régression logistique.

La différence d’intensité douloureuse a été analysée à l’aide du test du chi-carré et le test U de Mann-Whitney a été utilisé pour évaluer les différences de consommation médicamenteuses entre les deux groupes.

Résultats :

Aucune différence statistiquement significative n’est mise en évidence entre les deux groupes aux 3 périodes étudiées. L’analyse multivariée montre une incidence de douleur postopératoire significativement supérieure après 24h en cas de douleur préopératoire, et une durée significativement prolongée pour les hommes en comparaison aux femmes, indépendamment de la technique utilisée.

Conclusions :

Les mouvements de rotation continue et réciprocité sont jugés équivalents en ce qui concerne l’incidence, l’intensité et la durée de la douleur postopératoire qui peut être ressentie après un retraitement endodontique, mais aussi sur le plan de la consommation médicamenteuse en résultant.

Commentaires :

L’extrusion de débris dans le péri-apex est inévitable lors d’un traitement endodontique. De cette extrusion découle une réaction inflammatoire et donc de potentielles douleurs post-opératoires (dit flare-up en anglais) qui seront d’autant plus fortes que la quantité de débris extrudés sera importante. A ce jour aucun instrument ou système de mise en forme n’a permis d’endiguer ce problème.

L’analyse de ce mois porte sur un article qui s’intéresse aux douleurs pouvant survenir après un retraitement endodontique. Le but de l’étude est d’étudier l’influence du type d’instrument selon le mouvement appliqué (rotation continue versus réciprocité) sur l’occurrence des douleurs postopératoires, sur leur l’intensité et sur la consommation médicamenteuse en découlant.

L’objectif revient à évaluer si d’une certaine façon par un type d’instrumentation donné, on va produire et extruder plus de débris et donc provoquer une irritation plus importante du périapex. Cette étude in vivo s’inscrit dans un grand nombre d’études in vitro visant à démontrer la supériorité d’un système par rapport à un autre en essayant de comparer les quantités de débris extrudés. Toutes se contredisent en raison de l’hétérogénéité des protocoles mis en œuvre, si bien que leur pertinence clinique est questionnable.

L’étude des répercussions de systèmes instrumentaux utilisant des mouvements différents (rotation continue versus réciprocité) paraît plus pertinente si elle est étudiée, in vivo, par le biais de la douleur post-opératoire.

L’originalité de l’étude réside également dans le fait que celle-ci soit menée sur des cas de retraitements. Or, même si cela reste controversé dans la littérature, des taux de flare up plus importants pourraient être observés dans le cadre du retraitement pour diverses raisons : quantité de débris à éliminer plus importants que lors d’un traitement initial, type de flore bactérienne possiblement plus virulente/résistante et/ou charge bactérienne conséquente.

De plus, bien que non commercialisé dans ce but, les systèmes instrumentaux utilisant le mouvement de réciprocité sont décrits comme pouvant procurer un gain de temps dans le cadre des procédures de retraitement. Il apparaît alors intéressant de tester les répercussions cliniques possibles de l’utilisation de tels systèmes. Parmi celles-ci : la douleur postopératoire expérimentée par les patients peut permettre de conforter le praticien dans son choix si celui-ci offre en plus un gain de temps significatif.

Pour ce qui est du protocole détaillé : l’essai analysé est une étude prospective, monocentrique, réalisée en simple aveugle à l’université dentaire Grande Rio, à Rio de Janeiro.

Le recrutement est fait à partir de patients devant faire l’objet d’un retraitement dans le département d’endodontie de l’université.

Sont exclus tous patients :

  • Mineurs ou avec antécédents médicaux spécifiques.
  • Présentant des douleurs préopératoires sévères ou un abcès apical aigü.
  • Ayant eu recours à la prise de médicaments durant les 7 derniers jours (antalgiques, anti-inflammatoires, antibiotiques).
  • Ayant plusieurs dents devant faire l’objet de traitements endodontiques.
  • Dont la dent devant être retraitée présente une poche parodontale de plus de 4 mm ou un large tenon.

Les dents inclues sont toutes déjà restaurées (à priori sans risque de percolation), ont une obturation initiale dont le niveau se situe dans les 4 derniers millimètres apicaux et leur Péri-Apical Index (PAI) est estimé à 4 (radioclarté bien définie). Tous ne présentent pas de douleurs préopératoires mais pour ces patients, l’indication de retraitement endodontique est posée en raison de l’existence d’une radioclarté apicale.

Soixante-cinq sujets sont retenus.

Après randomisation, chaque patient est attribué à l’un des deux groupes suivants:

  • Retraitement avec le système de rotation continue :Mtwo (VDW, Munich, Allemagne)
  • Retraitement avec le système de réciprocité : Reciproc (VDW, Munich, Allemagne)

Pour chaque patient les données sexe et âge sont enregistrées ainsi que le type de dent, sa localisation, et la présence ou non de douleur préopératoire. La répartition des dents selon leur localisation et leur type est quasiment homogène d’un groupe à l’autre.

Tous les retraitements sont réalisés par le même opérateur endodontiste, sous microscope, champ opératoire, et sans recours à un solvant. Un set d’instrument neuf est utilisé pour chaque dent. La longueur de travail (Lt) est établie à 1 mm du foramen apical à l’aide d’un localisateur d’apex et d’une K10 qui sert de lime de perméabilité entre chaque passage d’instrument (insérée 1mm au-delà de la Lt).

La procédure de retraitement adoptée pour le groupe Mtwo est la suivante :

  • Retrait de la gutta percha, mouvement de va et vient d’amplitude maximum 3 mm : Mtwo 15/0.05 et 25/0.05.
  • Détermination de la longueur de travail (Lt)
  • Préparation apicale à l’aide des instruments Mtwo 30/0.05, 35/0.04, and 40/0.04.

La procédure de retraitement adoptée pour le groupe Reciproc est la suivante :

  • Retrait de la gutta percha, mouvement lent de va et vient d’amplitude maximum 3 mm : Reciproc 25/0.08
  • Détermination de la longueur de travail (Lt)
  • Préparation finale à l’aide du Reciproc 40/0.08

Le dispositif d’irrigation comprend une seringue de 31G avec ouverture latérale, amenée à 3 mm de la Lt. Le même protocole d’irrigation est appliqué à chaque groupe : 25 ml de solution d’hypochlorite 2,5% sont délivrés pour chaque canal durant la désobturation et la préparation. L’irrigation finale comprend le passage d’1ml de solution d’EDTA à 17% laissée durant 3 minutes, puis le passage de 5 ml de la solution d’hypochlorite et enfin 5 ml de solution saline.

L’obturation est réalisée à l’aide de ciment d’obturation AH plus et de gutta percha en condensation verticale à chaud (vague continue) après vérification sous microscope et sur cliché radiographique qu’il ne reste aucune trace résiduelle de l’ancienne obturation.

Une prescription d’ibuprofène 400 mg (un comprimé toutes les 6 heures en cas de douleurs) est délivrée à chaque patient et des conseils postopératoires sont donnés.

 

La douleur/l’incofort du patient est ensuite « scorée » à l’aide d’un questionnaire.

Il consiste en une échelle d’évaluation verbale que le patient doit remplir à différents temps pour évaluer sa douleur : 24, 48 et 72 heures après le retraitement. A la valeur 0 est associé l’absence de douleur ou un inconfort, la valeur 1 correspond à une douleur légère ne nécessitant pas la prise de médicament, la valeur 2 à une douleur modérée avec prise d’antalgique, la valeur 3 à une douleur intense empêchant le patient de réaliser des activités du quotidien, le poussant au repos et pour laquelle les médicaments n’ont que peu voire pas d’effet.

La fréquence de recours à l’ibuprofène est enregistrée : on compte le nombre de cachets pris depuis le premier enregistrement.

Ces monitorings sont assurés lors d’un appel téléphonique donné par un opérateur n’ayant pas connaissance du groupe d’appartenance des patients aux différents temps décrits précédemment.

Résultats de l’étude :

49% des patients incluent présentent une douleur préopératoire. Aucune douleur intense n’est rapportée durant les différents temps de l’étude, tous groupes confondus.

A 24 heures : 2/3 des patients ne présentent aucune douleur, mais c’est pourtant à cette période que la majorité des cas de douleurs sont rapportés. On compte en proportion un peu moins d’1/3 de douleurs légères, et une minorité de patient ayant des douleurs modérées.

A 48 heures : Seul 17% des patients indiquent souffrir de douleurs légère, le reste n’a aucun symptôme.

A 72 heures : l’évolution va dans le même sens qu’à 48 heures puisque cette fois-ci seuls 4,6% rapportent de légères douleurs.

Conclusion des auteurs :

Aucune influence significative du type de système de mise en forme utilisé sur la présence de douleur postopératoire n’est démontrée.

Aucune différence significative n’est mise en évidence non plus entre les deux groupes en terme de quantité de médicaments consommés.

Indépendamment de la technique utilisée l’existence d’une douleur préopératoire semble influencer significativement l’apparition d’une douleur postopératoire et sa durée. A ce facteur est relié un plus grand risque de développer des douleurs postopératoires dans les 24 heures suivant l’intervention.

En terme de durée : la douleur persiste plus longtemps chez les hommes que chez les femmes, toujours indépendamment de la technique utilisée.

Sur le plan du protocole l’étude apparaît relativement bien construite, si ce n’est qu’il semble difficile d’obtenir une même proportion de cas de dents avec douleurs préopératoires dans les deux groupes si la randomisation a été rigoureusement menée. En l’occurrence toute disproportion aurait pu participer à l’obtention de résultats pouvant apparaître significatifs à la défaveur de l’un des deux groupes.

Les résultats obtenus dans cette étude semblent rejoindre ceux de la méta-analyse menée par Caviedes-Bucheli et coll. en 2015 qui souligne que c’est finalement le design de l’instrument utilisé en coupe transversale qui doit être considéré comme l’un des facteurs affectant le plus l’extrusion apicale, et qui pourrait donc possiblement participer à l’apparition de douleurs post-opératoires, non pas le type de mouvement ou le nombre d’instrument utilisés. Deux essais cliniques contrôlés (Caviedes-Bucheli et coll. 2010, 2013), mettent également en avance ce design comme étant l’élément principal sur lequel le clinicien doit porter son intérêt s’il veut prendre en considération le risque d’extrusion apicale et de flare-up. Ces études ont tenté de quantifier l’état inflammatoire apical de dents extraites juste après la réalisation d’un traitement endodontique in vivo. Pour ce faire, les auteurs ont cherché à mesurer par dosage radio-immunologique l’expression de neuropeptides présents dans le ligament parodontal de ces dents traitées avec différents systèmes. Face à la section triangulaire du Protaper et du Wave one présentant une masse centrale volumineuse, une production apicale plus importante de neuropeptide est retrouvée en comparaison avec les résultats obtenus avec le Mtwo et le Reciproc dont la section est en S et la masse centrale moins volumineuse. Les résultats de l’étude analysée ce mois ci font totalement sens dans ce contexte.

De même, c’est la technique utilisée pour la mise en forme (indépendamment du système choisi) qui paraît avoir une influence significative sur la présence de douleurs postopératoires et sur leur intensité. Lors d’un traitement initial, une technique crowndown, ou stepdown sera ainsi préférable à une technique stepback ayant tendance à propulser plus de débris. (Ruiz et coll 1987 ; Al Omari et Dummer 1995 ; Carrotte 2004).

D’autres facteurs sont petit à petit mis en évidence comme ayant également un rôle à jouer sur la douleur post-opératoire après traitement endodontique et l’étude commentée ce mois-ci en met quelques-uns en lumière :

  • la présence de douleur pré-opératoire, qui est à corréler avec un plus haut risque de développer des douleurs postopératoires. Sayeed et coll. (2008) montrent que ce risque est majoré de 10,5% entre patients sans et avec douleurs préopératoires. Les travaux de Sadaf et Ahmad (2014) soulignent l’apparition de douleurs postopératoires chez 83,3% des patients présentant des douleurs initiales.
  • le facteur sexe qui est par contre plus souvent en défaveur du sexe féminin, contrairement aux résultats de l’étude en présence (Ng et coll. 2004). L’influence du genre féminin sur la douleur post-endodontique apparaît d’ailleurs d’autant plus significative lors de survenue de douleurs sévères à 12, 24 et 48H. Lorsque l’âge et le sexe sont combinés, ce sont les femmes de plus de 40 ans qui sont le plus victimes de flare-up.

L’étude de ce mois a le mérite de démontrer que la douleur postopératoire après traitement endodontique reste multifactorielle de nature, et qu’elle est finalement bien plus influencée par des facteurs inhérents à la dent (type de dent, localisation, statut initial pulpaire et douleurs préopératoires) et au patient (âge, sexe, anxiété) que par le type d’instrument utilisés (rotation continue ou réciprocité). L’influence de l’instrumentation sur la douleur postopératoire dépendra plus :

  • du design de l’instrument lui-même : une petite masse centrale laisse de la place pour une meilleure évacuation des débris.
  • de la technique employée : privilégier le crown down.

Mais le praticien peut tout de même participer à la réduction du risque de survenue de ces douleurs et de leur intensité s’il a aussi recours à des aiguilles à évent latéral pour délivrer sa solution de désinfection, et à une irrigation active pendant la mise en forme avec lime de perméabilité ou à la fin avec un moyen d’activation.

 

En plus :

Al Omari MA et Dummer PM (1995). Canal blockage and debris extrusion with eight preparation techniques. J. Endod. 21:154-158.

Carrotte P (2004). Endodontics: part 7 preparing the root canal. Br. Dent. J. 197(10):603-13.

Caviedes-Bucheli et al. (2013) Caviedes-Bucheli J, Moreno JO, Carreno CP, Delgado R, Garcia DJ, Solano J, Diaz E, Munoz HR. The effect of single-file reciprocating systems on Substance P and Calcitonin gene-related peptide expression in human periodontal ligament. International Endodontic Journal. 2013;46:419–426.

Caviedes-Bucheli et al. (1010) The effect of three different rotary instrumentation systems on substance P and calcitonin gene-related peptide expression in human periodontal ligament. J Endod. Dec;36(12):1938-42.

Ng YL et al. (2004). Prevalence of and factors affecting post-obturation pain in patients undergoing root canal treatment. Int. Endod. J. 37:381-391.

Ruiz HE et al. (1987). A quantitative assessment of canal debris forced periapically during root canal instrumentation using two different techniques . J. Endod. 13: 554-558.

Sadaf DAhmad MZ. (2014) Factors Associated with Postoperative Pain in Endodontic Therapy. Int J Biomed Sci. Dec;10(4):243-7.

Sayeed A, Walter RB, Michael KB, James SH, Scott BM (2008). Evaluation of Pretreatment Analgesia and Endodontic Treatment for Postoperative Endodontic Pain. J. Endod. 34(6):652-655

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