Analyse d'articles

Efficacité de 3 systèmes d’irrigations différents sur l’élimination d’hydroxyde de calcium intra-canalaire : une étude en microscopie électronique à balayage.

Efficacité de 3 systèmes d’irrigations différents sur l’élimination d’hydroxyde de calcium intra-canalaire : une étude en microscopie électronique à balayage.

917 750 SFE Endodontie

Efficacité de 3 systèmes d'irrigations différents sur l'élimination d'hydroxyde de calcium intra-canalaire : une étude en microscopie électronique à balayage.

Introduction

 Le but de cette étude était d’évaluer l’efficacité de différents systèmes d’irrigation sur l’élimination d’hydroxyde de calcium intra-canalaire grâce à un microscope électronique à balayage (MEB).

Méthodologie

Quarante (70 dans le corps de l’article) dents monoradiculées extraites ont été divisées aléatoirement en 4 groupes. L’instrumentation a été réalisée et les canaux ont été remplis avec une pâte d’hydroxyde de calcium. Une semaine après, 4 techniques ont été utilisées pour éliminer l’hydroxyde de calcium. Dans le premier groupe, les canaux ont été nettoyés avec la dernière lime d’instrumentation utilisée. Pour les second, troisième et quatrième groupes, les systèmes EndoVac, EndoActivator, et ProUltra ont été respectivement utilisés. Tous les groupes ont été irrigués avec 3 mL (18%) d’EDTA, et 3 mL (1%) (0,5% dans le corps de l’article) de NaOCl pendant une minute. Les parois canalaires ont été observées, et la quantité résiduelle d’hydroxyde de calcium a été évaluée à l’aide d’un MEB. Un système de score a été utilisé pour déterminer la quantité de résidus d’hydroxyde de calcium pour chaque tiers canalaire. Les données obtenues ont été analysées avec le test de Mann-Whitney.

Résultats

Pour comparer les 4 techniques, les résultats ont été analysés statistiquement avec le test d’analyse des variances.

Conclusions

Aucune des techniques n’a éliminées tous l’hydroxyde de calcium. Toutefois, l’EndoActivator a montré de meilleurs résultats pour l’élimination de l’hydroxyde de calcium des parois canalaires en comparaison avec les autres techniques.

Commentaires

Premièrement, il est à noter que certaines valeurs données dans l’abstract  sont différentes de celles retrouvées dans le texte. Le nombre de dents total passe  de 40 à 70 et la concentration du NaOCl passe de 1 à 0,5%. Il peut sembler étonnant de retrouver ce genre d’erreurs dans le JOE.
Dans la suite de cette analyse nous ne tiendrons compte que des valeurs retrouvées dans le corps du texte.

Même s’il est recommandé dans de nombreuses situations de réaliser les traitements endodontiques de façon complète en une seule séance, il est parfois nécessaire de repousser l’étape de l’obturation canalaire. Bien que certains auteurs ne recommandent plus son utilisation, l’hydroxyde de calcium est communément utilisé comme médication temporaire en endodontie grâce à ses propriétés antibactériennes et sa (relative) biocompatibilité. Par contre, il est nécessaire de l’éliminer entièrement du système canalaire avant obturation. Si des résidus sont encore présents au moment du scellement canalaire, l’étanchéité et donc le succès de nos traitements endodontiques, peuvent-être compromis. La méthode la plus utilisée pour l’élimination de l’hydroxyde de calcium est le passage de la dernière  lime d’instrumentation utilisée associée à une irrigation abondante au NaOCl et à l’EDTA. Certains auteurs ont proposé l’utilisation de différents systèmes d’activation des solutions d’irrigation sans qu’un réel consensus n’émerge.

Le but de cette étude est de comparer l’efficacité de différents systèmes d’irrigations sur l’élimination de l’hydroxyde de calcium intra-canalaire grâce à un MEB.

Soixante-dix monoradiculées extraites pour raison parondontale ont été incluses dans l’étude. Les dents ont été distribuées aléatoirement en 4 groupes de  15 (expérimentation) et 2 groupes de 5 (contrôles négatif et positif). Les dents ont été sectionnées au niveau coronaire afin d’obtenir une longueur radiculaire uniforme de 15 mm. Les dents sélectionnées permettaient le passage d’une lime K 20 jusqu’à la zone apicale. La longueur de travail a été déterminée à 1 mm du foramen apical. Les canaux ont été préparés avec le système Profile jusqu’au diamètre 45 conicité 4%.  La zone apicale a été scellée avec un vernis afin d’éviter l’extrusion des solutions d’irrigation. Entre chaque passage de lime, les canaux ont été irrigués avec 1 mL de NaOCl à 0,5% et 1mL d’EDTA à 18% pendant 60 secondes. Après assèchement canalaire, une pâte d’hydroxyde de calcium (Ultracal XS) a été placée au lentulo  dans les canaux. La pose du matériau a été validée radiographiquement. Un IRM a été posé comme restauration temporaire. Les dents ont ensuite été conservées à 37°C et à 100% d’humidité relative pendant une semaine. Après dépose de la restauration temporaire, la dépose de l’hydroxyde de calcium a été réalisée suivant 4 techniques différentes :

  • Groupe A : Irrigation conventionnelle

Une première irrigation de 1 mL de NaOCl à 0,5% a été réalisée suivie du passage de la dernière lime d’instrumentation à la longueur de travail. Une seconde irrigation de 1 mL de NaOCL à 0,5% est ensuite instillée suivie d’une irrigation de 3mL d’EDTA à 18% pendant 60 secondes. Un dernier rinçage de 3 mL de NaOCl à 0,5% termine  ce protocole d’irrigation.

  • Groupe B : Irrigation sonique

Le système utilisé est l’EndoActivator avec une pointe en polymère de diamètre 30 et conicité de 2%. Le protocole global est le même que dans le groupe A sauf pour l’EDTA qui a été activé pendant 60 secondes à 10000 cycles par minutes.

  • Groupe C : Irrigation ultrasonique

Le système utilisé est l’aiguille ProUltra PiezoFlow montée sur un générateur P5 Newtorn qui permet d’injecter et d’activer la solution d’irrigation en même temps. Le protocole d’irrigation est le même que pour le groupe A. Seulement les 3 mL d’EDTA ont été dispensés avec le système ultrasonique pendant 60 secondes.

  • Groupe D : Irrigation à pression négative

Le matériel utilisé est le système EndoVac qui associe un système d’injection contrôlée des solutions d’irrigation dans la cavité d’accès, et un système d’aspiration sur lequel viennent s’adapter une macro et une micro-canule. Ces dernières sont à insérer dans le canal et vont aspirer la solution d’irrigation ce qui va créer un flux liquidien de la cavité d’accès vers le bout de la canule. C’est ce flux qui emporte les débris présents dans le canal et les évacuent par la canule. La macro-canule est à utiliser dans les 2/3 coronaire et la micro-canule dans le 1/3 apical. Le premier millilitre de NaOCl a été passé avec la macro-canule pendant 30 secondes. Puis la dernière lime d’instrumentation a été passée à la longueur de travail. La suite du protocole d’irrigation (même volume que précédemment) est repris mais avec la micro-canule.

Les dents ont ensuite été sectionnées selon l’axe vestibulo-lingual. Les tiers apicaux, médians et coronaires ont été situés respectivement à 4, 8 et 12 mm de l’apex. Pour standardiser la zone examinée, le faisceau du MEB a été orienté vers le centre de chaque tiers au grossissement x10, puis le grossissement a été augmenté à x 1000 pour l’observation.

Les observations ont été réalisées par deux évaluateurs calibrés en aveugle. Un score de 1 (nettoyage total) à 5 (pas de nettoyage) a été donné pour chaque observation. Si les scores donnés par les deux évaluateurs étaient différents, c’est l’avis d’un troisième évaluateur qui a été pris en compte.

L’analyse statistique des résultats a été faite avec le test de Mann-Whitney pour la comparaison entre la technique classique et les autres techniques. Les résultats ont été considérés comme significatifs avec un p<0,05. Pour la  comparaison de chaque techniques entre elles, c’est le test de comparaison des variances qui a été utilisé (significatif avec p<0,001).

Images obtenues au MEB représentant chaque score. Score 1 : nettoyage total (80 à 100%). Score 2 : bon nettoyage (60 à 80%). Score 3 : nettoyage partiel (40 à 60%). Score 4 : faible nettoyage (20 à 40%). Score 5 : pas de nettoyage (0 à 20%).

 

 

Une reproductibilité suffisante inter-observateur a été retrouvée. Aucun des groupes n’a montré de disparition totale de l’hydroxyde de calcium. Le contrôle positif a montré un recouvrement total de la zone observée alors que le contrôle négatif a montré une zone sans hydroxyde de calcium.
Le groupe EndoActivator a montré un meilleur nettoyage dans les 3 tiers que le groupe “technique classique”. Le groupe EndoVac a montré un meilleur nettoyage que le groupe technique classique uniquement dans le tiers apical. Aucune  différence significative n’a été retrouvée entre le groupe ProUltra et le groupe “technique classique”.
Les techniques sont ensuite comparées pour chaque tiers. Dans le tiers coronaire, l’EndoActivator montre de meilleur résultat que l’EndoVac. Mais il n’y a  pas de différence entre l’EndoActivator et le ProUltra ou bien la technique classique. Dans le tiers médian, l’EndoActivator est meilleur que la technique classique et que l’EndoVac mais il n’y a pas de différence avec le ProUltra. Dans le tiers apical, l’EndoActivator a montré de meilleurs résultats que toutes les autres techniques.

Cet article est intéressant de prime abord mais nous allons voir que plusieurs biais de protocole vont rendre difficile la correcte interprétation des résultats. Une première remarque peut-être faite sur la concentration de NaOCl utilisée. À 0,5% il a bien une action bactéricide mais pas d’action de dissolution des tissus organiques. Les dents ont été conservées pendant 48h dans de l’NaOCl à 3% afin de nettoyer la surface radiculaire de tout débris organiques. Il semble peut probable que ce traitement chimique ait permis la totale dissolution de la pulpe continue dans la dent. Hors les auteurs ne font mention d’aucun débris organiques, ni inorganique d’ailleurs, lors de l’observation au MEB des contrôles négatifs (canaux avec préparation endodontique mais sans pose d’hydroxyde de calcium). Il semblerait que les auteurs aient réussi l’impensable, faire une préparation canalaire parfaite. On pourrait se demander pourquoi tant d’études se font pour tenter d’optimiser les protocoles d’irrigation avec des activateurs alors qu’une simple aiguille sans activation supplémentaire semble suffisante. Et ceci même dans le tiers apical.

Ceci nous amène à discuter du protocole d’observation des résultats. Le MEB est un outil puissant qui permet d’observer des objets au niveau microscopique voir nanométrique. Cependant, son utilisation a des limites. La première étant le temps nécessaire à l’observation. Ici les auteurs ont choisi de ne faire que deux observations par tiers radiculaire (une par moitié de racine) à un grossissement de x1000 (Cf figure 1).

L’aire de la zone observée semble bien faible pour en tirer une conclusion sur le nettoyage global d’un des tiers radiculaire. Il aurait été plus judicieux de multiplier les zones d’observations afin d’avoir une vue d’ensemble. Les auteurs ont ensuite décidé d’appliquer un score de 1 à 5 pour qualifier le nettoyage. Ces scores correspondent à un pourcentage de nettoyage et sont aussi associer à des notions telles que “bon”, “partiel”, ou encore “faible”. Il semble bien difficile de faire la différence entre 39% et 41% de nettoyage, ou bien de savoir si les parois  sont faiblement ou partiellement nettoyées. Les auteurs ne font mention nulle part d’une mesure effective du pourcentage de débris résiduels (ce qui est faisable avec ImageJ par exemple). La “mesure” se fait à l’œil nu ce qui, vu la complexité du score, rend la détermination des résultats discutable.
De plus, en cas de désaccord entre les deux observateurs (qui eux sont calibrés), c’est un troisième qui a le dernier mot (il n’est pas mentionné si ce dernier est calibré avec les deux premiers).

Associé à ces biais d’observation, viennent s’ajouter des biais de protocole  lors de l’expérimentation. Dans un souci de standardisation des protocoles d’irrigations, les auteurs ont choisi d’utiliser les mêmes volumes de solution d’irrigation pour chaque technique ce qui n’est pas logique.
Chaque technique à ses spécificités. Par exemple, ils ont choisi d’activer uniquement l’EDTA avec l’EndoActivator et le ProUltra alors que le système EndoVac a été utilisé aussi bien pour le NaOCl que pour L’EDTA. De plus les systèmes ProUltra et EndoVac nécessitent de grande quantité de solution d’irrigation (flux de 15 mL/min recommandé par le fabricant pour le ProUltra) pour être efficace alors que seulement de petits volumes ont été administrés dans cette étude. Il est étrange de comparer différents systèmes d’activation de l’irrigation mais de ne pas les utiliser à leur plein potentiel.
De plus, l’absence de réservoir pour les solutions d’irrigation (du au protocole de préparation des dents) est aussi un facteur limitant dans cette étude.
Le résultat le plus intéressant de cette étude est le fait qu’aucun des canaux n’a pu être entièrement nettoyé de l’hydroxyde de calcium présent à l’intérieur. Cela est peut-être du au type d’hydroxyde de calcium utilisé. En effet, les auteurs ont utilisé une préparation commerciale (Ultra XS) qui a tendance à être plus difficile à nettoyer qu’une préparation magistrale.

Malgré les biais retrouvés qui nous empêchent de conclure sur la meilleure méthode de nettoyage de l’hydroxyde de calcium, cette étude nous montre la  difficulté qu’il peut exister à déposer complètement l’hydroxyde de calcium. Le praticien prendra donc soin de ne l’utiliser qu’en cas de nécessité thérapeutique absolue. Actuellement, son utilisation restera limitée à des situations bien définies :

  • En inter-séance lorsque l’assèchement canalaire ne peut-être obtenu (suintements hémorragiques ou inflammatoire)
  • Lors de la réalisation d’une technique d’apexification même si cette indication devient plus relative avec la démocratisation de l’utilisation des ciments silicates de calcium (MTA ou Biodentine) qui donnent des résultats très satisfaisants.

 

 

Efficacy of 3 different irrigation systems on removal of calcium hydroxide from the root canal: a scanning microscopic study
Sami Alturaiki, Hebab Lamphon, Hadeel Edrees and Michael Ahlquist
Journal of Endodontics. 2015;41(1):97-101

 

Résumé et analyse : Dr. Thibault BECAVIN (Lille), Dr. Lieven ROBBERECHT (Lille), Pr. Etienne DEVEAUX (Lille) Dr. Grégory CARON (Paris), , – Mars 2015

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