Analyse d'articles

Efficacité clinique des localisateurs d’apex électroniques : une revue systématique.

Efficacité clinique des localisateurs d’apex électroniques : une revue systématique.

917 750 SFE Endodontie

Efficacité clinique des localisateurs d’apex électroniques : une revue systématique.

Introduction

La constriction apicale a été proposée comme la limite apicale la plus appropriée pour la longueur de travail endodontique. En dépit d’être la technique la plus utilisée, certaines limites sont attribuées à la méthode radiographique de détermination de la longueur de travail. Cette méthode manque de précision car elle est basée sur la position moyenne de la constriction apicale. Les localisateurs d’apex électroniques ont été présentés comme une alternative à la mesure de la longueur effectuée par radiographie. Ces dispositifs détectent la transition entre la pulpe et le tissu parodontal, qui est anatomiquement très proche de la constriction apicale et peut donc se déterminer avec une précision améliorée.

Méthodologie

Une revue systématique a été effectuée pour comparer les méthodes radiographiques et électroniques. Les études cliniques comparant les deux méthodes ont été recherchées sur 7 bases de données électroniques, une recherche manuelle a été réalisée sur la bibliographie d’articles recueillie sur les bases de données électroniques. Les auteurs ont aussi été contactés pour demander des références supplémentaires non détectées sur la recherche électronique et manuelle.

Résultats

Vingt et un articles ont été sélectionnés. La plupart étaient des études comparatives ou d’évaluation, et très peu d’études cliniques comparant les deux méthodes sont disponibles. Plusieurs limites méthodologiques sont présentes sur les articles recueillis et discutées dans cette revue.

Conclusions

Bien que l’évidence scientifique disponible est de faible niveau de preuve et sujette à de nombreux biais, il est encore possible de conclure que le localisateur d’apex réduit l’exposition aux rayonnements des patients et aussi que la méthode électronique peut obtenir de meilleurs résultats sur la détermination de la longueur de travail. Au moins un contrôle radiographique doit être effectué pour détecter les erreurs possibles des dispositifs électroniques.

Commentaires

Pour faire écho à l’analyse du mois de mars et des différents niveaux de preuve à prendre en considération avant une lecture critique, l’article présenté ci-dessus répond à un haut niveau de preuve : la revue systématique. Sa rédaction repose sur une sélection rigoureuse d’articles scientifiques sur un thème donné et devant répondre à une problématique.
Ici, les auteurs ont voulu déterminer si :

“ Chez les patients adultes en denture permanente, le localisateur d’apex est-il plus précis et aide-t-il à réduire les expositions ionisantes s’il est comparé à une détermination radiographique seule de la longueur de travail ? »

La sélection des articles se fait selon un protocole bien établit passant par un maillage de plus en plus fin de critères défini en amont de la revue systématique :

  • Recherches pendant une période donnée sur toutes les bases de données médicales selon les MeSh terms. Ces termes représentent les mots-clés se rapportant au sujet étudié. Ex : radiographie, longueur de travail et localisateur d’apex électronique.
  • La collection obtenue d’articles est deuxièmement passée sous le fil d’un filtre de critères d’inclusion ou d’exclusion et de limites. Ex : limite aux études portant sur l’humain, critère d’inclusion montrant dans l’étude une comparaison entre radiographie et localisateur d’apex.
  • Une recherche manuelle est ajoutée pour être sûr d’être le plus exhaustif possible. Celle-ci consiste à vérifier la bibliographie présente dans les articles précédemment sélectionnés et à retrouver des références non issues des MeSh terms.
  • Enfin un contact direct avec les auteurs référencés sur cette thématique a été réalisé pour mettre en lumière des études non citées ou non retrouvées.

Cette collection d’articles a permis aux auteurs de récupérer 53 références à évaluer. La seconde partie de la revue systématique consiste à utiliser une grille de lecture pour valider la pertinence scientifique des articles choisis en privilégiant les études cliniques randomisées.
Au final, seules 21 études ont été conservées et 18 sont des études dites de test diagnostiques in vivo (donc faible niveau de preuve par rapport aux études randomisées). Ces articles sont alors compilés offrant un pool d’analyse plus important que chaque étude séparée (424 dents représentant 4657 canaux pour évaluation).

Les résultats sont présentés sous 3 catégories : distance jusqu’au terminus radiographique, concordance des mesures entre le localisateur d’apex comparées aux mesures radiographiques et distance jusqu’à la constriction apicale, la jonction cémento-dentinaire et le foramen apical.

1. Distance jusqu’au terminus radiographique :
Le but est de déterminer si la longueur obtenue par le localisateur d’apex correspond au terminus radiographique.
Pour 11 études sélectionnées, un intervalle compris entre 0.5 mm et 1.5 mm est considéré comme acceptable pour la comparaison. Selon ces critères, les localisateurs d’apex utilisés donnent une précision comprise entre 81.5 % et 97 %.
Deux autres études analysent le positionnement du maître cône qui doit être ajusté entre 0 et 2 mm du terminus radiographique soit grâce au localisateur d’apex soit grâce à la radiographie seule. Aucune différence significative n’est obtenue : 90.4 % avec localisateur d’apex et 82.1 % avec radiographie.
Quatre études prennent comme critère le niveau d’obturation finale. Pour 2 des études, le localisateur d’apex est plus significativement précis (93.3%) que la radiographie (75%) tandis que les 2 autres études n’arrivent pas à mettre en lumière de différence significative.

2. Concordance des mesures entre le localisateur d’apex et les mesures radiographiques :
Deux études prennent ce critère et trouvent des résultats différents avec 96.6 % de concordance pour l’une tandis que l’autre trouve 73.6 % de concordance. L’intervalle accepté était de 0,5 mm entre la mesure donnée par le localisateur d’apex et la mesure radiographique.

3. Distance jusqu’à la constriction apicale, la jonction cémento-dentinaire et le foramen apical :
Les différentes études regroupées dans cet item ont comme point commun de nécessiter l’extraction des dents incluses dans l’expérimentation afin de corroborer les mesures par rapport à des notions histologiques que sont la constriction apicale, la jonction cémento-dentinaire et le foramen apical.
Concernant la position de la constriction apicale (déterminée entre 0,5 mm et 1 mm en retrait du terminus radiographique), les différentes études concluent à un avantage du localisateur d’apex dans la précision de la longueur par rapport à la détermination radiographique. Aucune différence significative n’est présente entre les différents localisateurs d’apex testés.
Une seule étude a pris comme point de référence la jonction cémento-dentinaire et montre un avantage significatif du localisateur d’apex par rapport à la radiographie. Une seule étude a pris comme point de référence le foramen apical et montre un avantage significatif du localisateur d’apex par rapport à la radiographie.

Une autre rubrique de la revue systématique a consisté à évaluer le nombre de radiographies prises entre un traitement effectué avec un localisateur d’apex et sans son utilisation. Malgré certaines disparités de résultat, les différents auteurs montrent une diminution du nombre de radiographies prises lorsqu’un localisateur d’apex est utilisé. Il est à noter que les protocoles de traitement sont différents et certains auteurs s’astreignent à seulement utiliser la radiographie pour la vérification de l’ajustage du cône ce qui réduit forcément le nombre global de radiographie.
Enfin la dernière partie dite discussion reste de loin la plus intéressante car elle permet de replacer les différentes données obtenues dans une réflexion globale à visée clinique et/ou de recherche. Les auteurs font tout d’abord part de l’extrême variabilité des protocoles expérimentaux et de l’impossibilité de « superposer » toutes les études pour obtenir des données reproductibles. Ainsi pour illustrer ce propos, les auteurs indiquent que en fonction des études, la limite de l’apex électronique utilisée est parfois de 0,5mm ; 1mm ou au signal sonore. De plus, les conditions cliniques sont rarement précisées : dent vivante, nécrose, résorption… Pourtant, certaines lignes directrices sont retrouvées dans l’analyse de ces 21 études :

  • Les localisateurs d’apex sont plus efficaces pour déterminer la position de la constriction apicale que la radiographie.
  • L’utilisation des localisateurs d’apex permet une diminution du nombre de radiographies nécessaires pour réaliser le traitement canalaire.

Même si les données issues de cette revue systématique semblent déjà connues par l’empirisme de notre pratique clinique, il est essentiel de toujours se référer à ces données validées de manière scientifique selon une analyse rigoureuse de la littérature. Seul ce type d’étude peut permettre de guider notre pratique sur « une dentisterie fondée sur la preuve ». L’utilisation du localisateur d’apex trouve ainsi une application clinique essentielle par la précision apportée sur l’évaluation de la longueur de travail et sur la diminution du nombre de radiographies opératoires.

 

En plus :

  • La constriction apicale reste une limite difficile à déterminer dans certaines situations cliniques. Ainsi la présence d’une lésion inflammatoire péri-radiculaire entraîne le plus souvent une résorption apicale qui altère la constriction apicale; et l’absence de perméabilité apicale empêche la détermination électronique de la longueur.
  • La plupart des localisateurs d’apex électroniques positionnent au « zéro » la constriction apicale. D’autres tels le Root Zx (Morita) positionnent le « zéro » au foramen apical. Il est donc essentiel de se renseigner sur le calibrage du localisateur d’apex sélectionné.
  • Quelque soit la fiabilité du localisateur d’apex, une radiographie peropératoire au minimum doit toujours précéder la phase d’obturation.

 

 

 

 

Clinical Efficacy of Electronic Apex Locators: Systematic Review
Martins JN, Marques D, Mata A, Caramês J.
J Endod. 2014 Jun; 40(6):759-777.

Résumé et analyse : Dr. Grégory CARON (Paris), Dr. Lieven ROBBERECHT (Lille), Pr. Etienne DEVEAUX (Lille), – 24/06/2014

Laisser une réponse

Votre adresse courriel ne sera pas poubliée