Analyse d'articles

Analyse descriptive des facteurs associés aux résorptions cervicales externes.

Analyse descriptive des facteurs associés aux résorptions cervicales externes.

150 150 SFE Endodontie

Analyse descriptive des facteurs associés aux résorptions cervicales externes.

 Descriptive Analysis of Factors Associated with External Cervical Resorption.

Mavridou AM, Bergmans L, Barendregt D, Lambrechts P.

J Endod. 2017 Oct; 43(10):1602-1610

Introduction :

Le but de cette étude était d’effectuer une analyse descriptive de la survenue des résorptions cervicales externes (RCE) par rapport aux caractéristiques des patients (sexe, âge et type de dent) et le potentiel d’implication de facteurs prédisposant.

 

Méthodes:

Cette étude comprend des données sur 284 patients (337 dents avec des preuves de RCE) adressé à l’hôpital universitaire de Louvain (Louvain, Belgique) et Endo Rotterdam (Rotterdam, Pays-Bas) pour diagnostic et traitement de 2010 à 2015. Les antécédents médicaux, les radiographies existantes et les dossiers dentaires étaient disponibles pour évaluation. Chaque patient a ensuite été interviewé, suivi d’un examen clinique et d’un examen radiographique. Des images intra-orales utilisant un microscope opératoire dentaire et un appareil photo numérique ont été prises pendant l’examen clinique. L’examen radiographique a consisté en une radiographie périapicale numérique et / ou l’imagerie tomographique par faisceau conique. Une critique de la littérature existante a fourni une liste de facteurs prédisposant pour les RCE. Les données cliniques étaient en corrélation avec les antécédents dentaires et médicaux de chaque patient dans une tentative d’identifier un potentiel facteur prédisposant pouvant contribuer à la RCE. La fréquence de l’apparition de la RCE était corrélée avec le type de dent, le sexe et l’âge du patient, et chacun des facteurs prédisposant potentiels enregistrés.

Résultats:

Parmi les dents examinées (337) avec RCE, 175 (54%) ont été trouvées chez des patients de sexe masculin et 162 (46%) ont été trouvées chez des patientes. Dans 59% des cas, plus d’un

facteur potentiel prédisposant a été identifié. La plupart des cas de RCE ont été observés sur les incisives centrales maxillaires (29%) suivies par les canines maxillaires (14%), les molaires mandibulaires (14%) et des prémolaires maxillaires (11%). De plus, la plupart

des cas de RCE ont été observés sur les dents maxillaires (72%). Le facteur le plus fréquemment retrouvé était l’orthodontie (45,7%). D’autres facteurs fréquemment observés étaient les traumatismes (28,5%), les habitudes parafonctionnelles (23,2%), la mauvaise santé buccodentaire (22,9%), la malocclusion (17,5%) et l’extraction d’une dent adjacente (14%). Conclusions:

Les données indiquent que la RCE n’est pas lié au sexe du patient. La RCE survient le plus souvent dans l’incisive centrale maxillaire. Dans la majorité des cas, plus d’un facteur prédisposant potentiel a été identifié, ce qui indique que la RCE peut être principalement multifactorielle. Les facteurs les plus fréquemment rencontrés étaient l’orthodontie, un traumatisme accidentel ou iatrogène et une mauvaise santé buccodentaire. Cette information peut être utile pour diagnostiquer la RCE à un stade précoce lors du dépistage des patients présentant ces facteurs prédisposant.

 

L’article choisi ce mois s’intéresse aux résorptions cervicales externes pouvant aussi être décrites comme des résorptions cervicales invasives. Peu d’études se sont intéressées à ce type de lésion qui sont principalement décrites dans des reports de cas. La genèse de ces lésions reste très méconnue d’où la description des facteurs étiologiques comme multifactoriels et idiopathiques. En d’autres termes, on ne sait pas pourquoi ces lésions surviennent…donc elles sont difficiles à prévenir et leurs découvertes sont le plus souvent réalisées à un stade avancé. L’intérêt de cet article réside donc dans l’approche volontariste des auteurs de mettre en évidence les facteurs influençant la formation des résorptions cervicales invasives et permettre d’améliorer leur prévention et leur prise en charge.

 

Les auteurs ont inclus 284 patients (337 dents) entre 2010 et 2015 dans 2 centres de références (Hôpital Universitaire de Louvain et Endo Rotterdam) adressés pour la prise en charge de dents présentant une RCE évidente. Parmi les 284 patients, 150 étaient des hommes (175 dents) et 134 des femmes (162 dents). Pour identifier les facteurs prédisposants, une approche en 2 temps a été réalisée :

  • 1er temps : interview des patients pour mettre en évidence les facteurs étiologiques (médications, infections virales, antériorité de parafonctions, gouttières occlusales, joueur(es) d’instrument à vent , traumatisme, traitements dentaires passés comme l’orthodontie, les soins conservateurs ou la parodontologie. La liste établie des facteurs est issue des évidences cliniques, de recherche et d’une large revue de littérature. A ce stade, le sexe et le type de dent  (antérieures, prémolaires, molaires) ont été enregistrés.
  • 2ème temps : un examen clinique approfondi a été associé à un examen radiologique 2D et 3D. L’examen clinique a permis de recueillir des informations sur : le statut parodontal (plaque, tartre, saignement, poches parodontales), les possibles traitement dentaires reçus proche de la RCE (extraction, orthodontie, endodontie suite à traumatisme, chirurgie…), la présence de fêlures (causées par des traumatismes, une occlusion traumatogène…), désordre occlusal ou articulaire, surcharge occlusale de la dent concernée par la RCE et des signes de parafonction (facette d’usure, récession gingivale, épaississement ligamentaire, mobilité dentaire, existence d’une ligne blanche au niveau des muqueuses et une langue dépigmentée).

L’examen CBCT vient confirmer le diagnostic et permet d’évaluer l’extension de la lésion.

Les auteurs précisent que cette approche duale met en évidence des facteurs seulement évoqués lors de l’interview (ex : onychophagie, joueur d’instrument à vent, médications…) tandis que d’autres facteurs ne peuvent être découverts que par l’examen clinique (statut parodontal, facettes d’usure, désordre occlusal…)

L’ensemble de ces données est exploité par une analyse descriptive et les résultats comparés par un test du Chi2.

La présence de RCE est pour 59% des cas multifactorielle. Parmi ces 59% multifactoriels : 38% ont 2 facteurs prédisposant retrouvés, 17% ont 3 facteurs, 3% ont 4 facteurs et 1% ont 5 facteurs. Le facteur le plus fréquemment retrouvé est l’orthodontie (45,7%) puis les traumatismes (28,5%), les parafonctions (23,2%), la mauvaise hygiène orale (22,9%), la malocclusion (17,5%) et l’extraction de la dent adjacente (14%).

Lorsque de l’orthodontie avait été réalisée 70,1% des cas étaient multifactoriels. Les combinaisons les plus fréquentes étaient : orthodontie et traumatisme (17,6%), orthodontie et parafonction (13%) et orthodontie avec extraction de dent adjacente (12%).

D’autres combinaisons sont aussi ressorties : extraction dent adjacente-surchage occlusale-mauvaise hygiène orale (5%) ; malocclusion et mauvaise hygiène orale (5%) ; malocclusion et parafonctions (2,7%).

Les RCE ont été retrouvées à 54% chez des hommes et à 46% chez des femmes. Deux facteurs ont présenté des différences :

  • traumatisme : les hommes ont un pourcentage (16,2%) plus élevé de RCE que les femmes (11,9%)
  • orthodontie : les femmes ont un pourcentage (24,9%) plus élevé de RCE que les hommes (20,7%)

L’âge a aussi une influence ; la plupart des RCE se produisent entre 15 et 54 ans. En fonction des tranches d’âge certains facteurs prédisposants sont plus fréquemment retrouvés. Ainsi par exemple pour la tranche 15-19 ans, l’orthodontie est le facteur le plus important.

La localisation des RCE est principalement sur l’incisive centrale maxillaire (29%), puis les canines maxillaires (14%), les molaires mandibulaires (14%) et les prémolaires maxillaires (14%). La majorité des RCE a été retrouvée au niveau des dents maxillaires.

Ce type d’article à vocation descriptive d’une entité pathologique (ici la RCE) nécessite un très important pool de patient afin de déterminer des tendances. Les articles de références concernant la RCE restent ceux de Heithersay dont une étude descriptive sur 222 patients. Ici les auteurs ont pu inclure 337 dents mais confortent les données de Heithersay.

Celui-ci avait mis en évidence les mêmes facteurs prédisposants majeurs dont l’orthodontie, les traumatismes, la chirurgie et les restaurations. Un autre facteur avait été décrit par Heithersay : l’éclaircissement interne. Cet acte opératoire n’a pas été retrouvé par Mavridou et col. laissant penser que les techniques actuelles d’éclaircissement interne se sont améliorées.

L’orthodontie est bien plus mise en valeur par Mavridou et col. que par Heithersay ce qui peut s’expliquer par la forte croissance des traitements orthodontiques. Cependant il est difficile de regrouper l’orthodontie sous un seul facteur car de multiples variables peuvent influencer la iatrogénicité : forces légères ou forces lourdes, brackets vestibulaires ou linguaux, mouvement de torque ou de translation….

La principale nouveauté réside dans l’approche transversale de Mavridou et col. qui mettent en évidence des associations de facteurs prédisposants tels que l’orthodontie et l’extraction de la dent adjacente.

Il faut cependant bien comprendre que même si ces facteurs existent seul ou en combinaison il est très difficile de faire un lien de causalité entre leur présence et celle de la RCE. Tous les patients en traitement orthodontique ayant subi des extractions ne vont pas avoir des RCE. De plus, aucune notion de temps n’est fournie par les auteurs. La RCE est diagnostiquée à un instant T0 mais nous ne savons pas quand les patients ont eu leurs traitements orthodontiques ou leurs traumatismes. Cette notion serait à mettre en relation avec les volumes des lésions constatées. Ainsi une lésion de faible étendue avec un traitement orthodontique ancien serait difficilement imputable à l’orthodontie…

L’apparition des RCE est liée à un désordre cellulaire au niveau d’un microenvironnement favorable (v.encart).

 

La formation d’une RCE nécessite 2 événements :

  1. Absence de cément et de ligament parodontal. Cette situation est soit innée par une déhiscence au niveau de la jonction émail-cément et le ligament parodontal ne se lie pas ou mal dans cette zone. Soit acquise suite à un traumatisme qui lèse l’attache cément-ligament parodontal. La surface dentinaire est alors vulnérable aux cellules clastiques.
  2. Un stimulateur favorise alors la RCE. Plusieurs stimulateurs sont possibles : bactéries, forces continues appliquées sur le ligament parodontal (orthodontie), surcharge répétée et discontinues.
    L’association des 2 facteurs crée un microenvironnement hypoxique qui va activer l’ostéoclasie et contribuer à la RCE.

 

La notion d’idiopathie ne peut pas être complètement rejetée car il n’existe pas forcément une explication sur la genèse de la RCE qui touche une incisive centrale et pas l’autre. Un questionnaire poussé et un examen clinique ne suffiront pas à prévenir les RCE car chaque dent répond différemment aux facteurs prédisposants.

Cliniquement il est intéressant de mettre en place une surveillance accrue sur les patients en traitement orthodontique ayant eu une avulsion traumatogène avec atteinte de la dent adjacente ou ayant subi un traumatisme. Cette étude ne parle pas des traitements possibles mais il est fort possible qu’un deuxième volet des mêmes auteurs paraisse sur cette thématique. Les traitements possibles sont fonction du stade d’avancée de la RCE et nécessiteront une imagerie tri-dimensionnelle pour localiser la lésion par rapport au tissu pulpaire, évaluer la perte de substance et planifier la meilleure thérapeutique.

Pour conclure cet article présente un matériel et méthode complet pour une analyse descriptive mais la spécificité des RCE nécessite une prise en compte de la temporalité qui n’est pas retrouvée dans l’article. De plus aucune recommandation précise n’est donnée pour faire un dépistage ou une prévention améliorée des RCE. Seules quelques recommandations de bon sens de suivi sur les patients en soin orthodontique ou ayant subi un traumatisme sont données.

L’intérêt de cet article est donc assez limité cliniquement mais il permet de conforter les données précédemment recueillies par Heithersay permettant d’accroître le pool de patients étudiés et de conforter les données déjà connues.

En plus :

Heithersay GS. Invasive cervical resorption: an analysis of potential predisposing factors.

Quintessence Int 1999;30:83–95.

 

Patel S, Durack C, Abella F, et al. Cone beam computed tomography in endodontics:

a review. Int Endod J 2015;48:3–15.

Laisser une réponse

Votre adresse courriel ne sera pas poubliée